Une réflexion parmi tant d'autres ...
Un petit virus, un insignifiant virus, invisible à l’œil nu, fait pleurer l’humanité entière. Commencé en Chine, depuis 4 à 5 mois, on faisait comprendre dans un premier temps que ce malhonnête virus allait attaquer les plus vulnérables, c’est-à-dire les personnes âgées et surtout celles et ceux qui déjà avaient des problèmes pulmonaires, respiratoires, qui sont naturellement des êtres fragiles. On faisait comprendre également que c’est parce que les Chinois mangent des insectes et qu’ils mangent n’importe quoi, ne respectant pas les principes hygiéniques élémentaires.
Si, pour certaines personnes, c’est une guerre économique, pour d’autres, c’est une guerre biologique. Qui faut-il croire ? Que faut-il croire ?
Les nations, soient disant grandes puissances, deviennent impuissantes devant ce phénomène. Les gouvernements se retrouvent dans l’obligation de changer de discours régulièrement. Ils se retrouvent dans l’obligation de faire appel à tout le monde, même à ceux qu’ils ne voulaient pas toujours écouter quand ils revendiquaient le droit d’être traités comme tout le monde.
D’ailleurs, c’est normal. En temps de crise, il faut mettre de côté toutes les sensibilités ou appartenances politiques pour gérer la situation.
Défendre le bien commun doit être la priorité de tous.
J’écris ce texte non pour critiquer les responsables, non plus pour les féliciter mais, juste pour dire ce que je vois, ce que j’entends et ce que je comprends.
Je n’aime pas écrire, on le sait bien, mais la solidarité entre les gens m’empêche de rester sans rien dire. La reconnaissance des gens vis-à-vis des personnels de santé, le souci des uns et des autres pour les uns et les autres, la charité de ceux et celles qui s’investissent, dans des associations caritatives ou autres, ne m’accordent pas le droit de fermer mes 32.
Il faut souligner également la position de l’Eglise, à travers le pape, les évêques, les prêtres, les religieuses, tous ceux et celles qui croient en l’amour et en la miséricorde de Dieu. Ils espèrent tous, nous espérons tous, que ce même Dieu, qui a libéré son peuple de l’esclavage, peut aussi nous libérer de ce malveillant virus.
C’est rigolo, même si c’est l’humanité qui creuse sa propre force. Comment ça ? Mais, écoutez, vous êtes les seuls à ne pas avoir entendu que le virus s’est échappé d’un laboratoire ? Ah ok, donc si ce virus s’est échappé, il en reste d’autres ? Dossiers à suivre ! Qui vivra verra ! Je ne suis pas un prophète de malheur, ni un messager de la mauvaise nouvelle. Si vous, comme moi, nous ne changeons pas de comportement, dans tous les sens, nous mourrons tous comme des gros boffffff[1]. Une manière de reprendre le pasteur afro-américain : Martin Luther King.
Passons aux choses sérieuses
Chez moi, on dit souvent que c’est dans les mauvais moments qu’on connait les vrais amis. Mais, bien sûr, c’est une pure vérité. Vous voyez, l’humanité fait l’expérience d’une crise sanitaire. Ceux qui sont au premier rang, ce ne sont pas ceux et celles qui ont des avantages sociaux ou qui gagnent des dizaines de milliers (devises ou monnaies) par mois. Et qui sont-ils ? Ceux qui ont des privilèges juteux, peut-être ? Mais, qu’est-ce que vous racontez là ? Combien de fois et dans quel pays, vous voyez des ministres, des parlementaires, des directeurs généraux, descendre dans les rues pour demander ou réclamer un meilleur salaire ?
Chez moi, « quand un chien a un os dans la bouche, il n’a pas de temps pour aboyer ».
Et alors, qui sont-ils ? Ce sont ceux que, tous les soirs, à 20 heures, les gens, depuis leur balcon, saluent, félicitent et encouragent. Ils sont nombreux ceux qui témoignent leur reconnaissance vis-à-vis des gens se donnant entièrement comme professionnels ou comme bénévoles pour aider à tenir debout tout un peuple. J’entends même des gens qui, quelquefois, appellent sur des stations de radio pour envoyer des fleurs, pour redonner un peu plus de forces à ceux et celles qui ont bravé le danger, laissant parents et enfants pour aller travailler.
Nous sommes fiers de vous, les docteurs.
Nous sommes fiers de vous, les infirmiers, les aides-soignants, les brancardiers.
Nous sommes fiers de vous les ambulanciers, les pompiers, et vous, les aides à domicile qui êtes auprès des personnes âgées.
Nous sommes fiers de vous les caissiers.
Nous sommes fiers de vous les pilotes d’avions et d’hélicoptères.
Nous sommes fiers de vous les conducteurs de trains, vous qui transportez les malades de l’est à l’ouest, du nord à l’ouest, ou qui faites d’autres circuits.
Ceux et celles qui sont en télétravail et qui ont à s’occuper de leurs enfants, les professeurs, les chefs d’établissement : nous pensons bien à vous. Bon courage !
Les forces de l’ordre, vous avez été déployées par dizaines de milliers sur les routes pour aider les gens à respecter les consignes. Cela ne signifie pas que les gens ne sont pas responsables. Au contraire, dans l’une de ces allocutions, le président a félicité les Français pour leur sens de la responsabilité.
Policiers et gendarmes, après le confinement, les gens prendront conscience que, grâce à vous, grâce à vos centaines de milliers de PV, le virus ne s’est pas propagé comme il aurait pu l’être. Vous, vous êtes félicités, encouragés et remerciés.
Nous sommes fiers de vous, les infirmières, vous qui laissez la Bretagne, pays où il fait bon vivre, où les gens sont accueillants, où il ne fait jamais chaud, jamais froid, pour se rendre à Paris ou en région parisienne, pour prêter main forte, pour aller aider à désengorger les hôpitaux. On se souviendra de vous non seulement en cette période de crise mais également après. Probablement, dans les prochains budgets, les gouvernements, avec les parlementaires, investiront un peu plus pour les hôpitaux et, pour vous, les professionnels de santé.
Ils sont nombreux, elles sont nombreuses, ceux et celles que nous retrouvons dans des hôpitaux, dans des centres hospitaliers et dans les Ehpad. A travers ce sacerdoce que vous exercez auprès des malades, auprès des personnes vulnérables, vous êtes précieux, vous êtes précieuses. Beaucoup peuvent penser que ce que vous faites est uniquement votre boulot.
Mais, c’est aussi une vocation, c’est-à-dire une obligation qui vous pousse à vous oublier, à risquer votre vie afin de pouvoir donner la vie, à oublier vos souffrances pour soulager les souffrances des autres, à ne plus vous occuper de vous pour vous occuper des autres, à ne plus penser à vos proches afin de pouvoir penser au prochain.
Je me suis convaincu que les malades sont les prunelles de vos yeux. Bien qu’au départ, vous n’aviez pas assez de masques, de gants, de lunettes et autres éléments nécessaires pour vous protéger, vous étiez présents de 7 heures à 14 heures, de 14 heures à 21 heures, de 21 heures à 7 heures. Vous avez préféré ne pas dormir assez pour faire dormir les patients.
J’ai eu la chance, d’intervenir dans des Ehpad. J’ai bien dit, la chance. J’ai vu, de mes propres yeux, comment vous, vous êtes patients avec les résidents, comment vous, vous êtes attentifs à leurs moindres gestes.
Vous avez la chance également d’être au contact de ces personnes qui sont totalement dépendantes des uns et des autres. Je me suis convaincu que les résidents vous enseignent un humanisme sans pareil, une patience extraordinaire. Ils vous enseignent aussi le sens de l’écoute.
Partout, dans le monde, j’ai l’impression que, même ceux et celles qui ne croient pas en Dieu, tous prient pour vous, afin que vos pieds ne heurtent les pierres.
C’est quand même regrettable de voir et d’entendre que beaucoup d’entre vous sont infectés, beaucoup sont partis pour l’éternité. Vous êtes à féliciter, malgré tout, vous n’êtes pas découragés. Cela me fait comprendre que vous avez gardé en vous cette belle phrase de Corneille : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » Je reprends aussi cette phrase du serment d’Hippocrate : « Dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves. » On comprend mieux maintenant ce qui vous motive. Vous faites preuve de grandeur d’âme en mettant tous les jours en application cette doctrine qui date du IVème siècle avant Jésus-Christ.
Ils sont nombreux les étudiantes et étudiants qui vous rejoignent dans les différents services. J’espère qu’ils ne vont pas abandonner mais, au contraire, grâce à l’exemple et au dévouement que vous avez témoigné, ils trouveront beaucoup plus de détermination et de courage afin de continuer à s’investir dans ce champ d’humanisme.
Quelques oubliés
Il y a une catégorie de personnes qui fait un boulot extraordinaire dans l’ombre. Elles ne sont pas psychologues, mais accueillent, par téléphone, régulièrement des personnes seules ou qui ont souvent des baisses de moral.
Elles ne sont pas membres du gouvernement, mais reçoivent fréquemment des appels téléphoniques pour répondre à des questions auxquelles même les élus n’ont pas encore de réponses. Je salue ces personnes dont je fais partie. Le bien ne fait pas de bruit, mais le bruit ne fait pas toujours de bien non plus. Je suis entièrement d’accord avec nous car nous mettons en pratique cette parole de l’apôtre Paul : « Si j’annonce l’Évangile, ce n’est pas pour moi un sujet de gloire, … malheur à moi si je ne l’annonce pas. » (1 Corinthiens 9,16s)
Je veux bien croire que la vie nous apprend beaucoup de choses positives dans ce moment difficile. Le sens de l’altruisme et du civisme qui nous manquait quelquefois revient et saura nous guider pour toujours.
Oui j’ai bien dit « saura nous guider pour toujours… ». Progressivement notre vie de tous les jours va reprendre avec les obligations qui y sont liées (travail, école…), notre vie sociale va également reprendre (famille, amis, associations…). Cette période dite « de paix » abrite en réalité autant, voire plus de souffrances, qu’en période de pandémie. Or nous avons le pouvoir de continuer d’être exceptionnels et d’atténuer cette souffrance…, la souffrance résultant du rejet des autres, de l’ignorance, du manque d’altruisme, de l’égoïsme…, mais comment ? Dans la tolérance et dans l’acceptation de l’autre avec ses qualités et ses défauts.
Je pense aux paroissiens et paroissiennes de notre zone pastorale pour qui je prie tous les jours. Beaucoup d’entre eux appellent très souvent au presbytère pour demander et donner des nouvelles. Souvent, j’appelle aussi ceux et celles que je pense être seuls et qui peuvent avoir besoin de quelqu’un à leur écoute. A vous qui appelez, pour demander si nous avons besoin de quelque chose, n’hésitez pas à nous faire signe. Cela me marque beaucoup ! Vous m’apprenez beaucoup de choses et je ne regrette pas d’avoir été envoyé auprès de vous.
Je suis loin de mes parents, de mes proches, de mes amis et de mon soleil certes, mais vous m’accompagnez et je me sens comblé de vos précieuses attentions.
Merci, mèsi et trugarez !
Jean Bernard Fortuma Fait à Rostrenen, mai 2020
[1] Ça peut être des cons, des sauvages, des idiots…