La Bible au secours de la GPA ?
Quand on défend la loi naturelle, il arrive qu’on soit décontenancé par les arguments de l’adversaire.
Réfutons deux arguments, particulièrement fréquents, relatifs à la PMA et à la GPA. Voici le premier : « Il vaut mieux être élevé par deux sympathiques homosexuels bienveillants que par deux hétérosexuels qui boivent et se tapent dessus. » Sur n’importe quel plateau télé, cet argument a le don de faire applaudir l’assistance. C’est pourtant un sophisme de tribune vieux comme le monde : lorsque vous voulez faire accepter une conduite, il vous suffit de la comparer avec une version particulièrement rare et pervertie de la conduite courante. Cette comparaison boiteuse aura le grand mérite de faire apparaître subitement la première comme finalement tout à fait acceptable.
Toutes choses égales par ailleurs
Cet effet tient à ce que l’attention de l’auditeur est brutalement attirée sur l’inconvénient très exceptionnel qui a été ajouté à la situation normale, et en oublie de considérer l’inconvénient général et constant qui est lié à la situation anormale (en l’espèce, être privé de son père ou de sa mère). Vous pourrez dire ainsi qu’il vaut mieux se trouver dans un avion n’ayant plus qu’un seul réacteur mais piloté par un as, que dans un avion en parfait état piloté par un épileptique en pleine crise. Vous pourrez dire aussi qu’il vaut mieux écouter Horowitz jouant sur un Bontempi que votre petite-nièce sur un Steinway. Et ainsi de suite.
Le problème est que de telles comparaisons asymétriques n’autorisent absolument pas à conclure qu’il faudrait donner des autorisations de vol à des avions défectueux, ou organiser des concerts de maestros sur des instruments de supermarché. Pour avoir un sens, une comparaison doit être faite toutes choses égales par ailleurs, et en évitant les situations exceptionnelles ou statistiquement non significatives. À défaut, avec un peu d’imagination et une mauvaise foi à couper au couteau, on peut justifier absolument n’importe quoi.
GPA biblique ?
Deuxième argument : celui-là est particulièrement vicieux, puisqu’il vise à mettre les chrétiens dans l’embarras, en les prenant en flagrant délit d’ignorance de l’Écriture sainte. Le voici : « La plus célèbre GPA de l’histoire se trouve dans la Bible, au chapitre 16 de la Genèse, lorsque Abraham et Sarah, ne parvenant pas à avoir d’enfant, s’en font faire un par leur servante Agar. Les chrétiens feraient bien de lire la Bible au lieu de vociférer contre le progrès ! »
Cet argument est complètement absurde. Pour deux raisons. La première est qu’il ne suffit pas qu’une pratique soit rapportée par la Bible, pour qu’elle s’en trouve automatiquement justifiée. L’histoire du peuple de Dieu regorge évidemment de péchés en tout genre. Il est d’ailleurs affirmé dans le livre de Malachie (2, 15) que la conduite d’Abraham en cette occasion fut une faute, motivée certes par le désir pressant d’avoir une descendance coûte que coûte, mais bien une faute. Avoir une descendance n’est pas un droit : c’est un don de Dieu. Voilà la leçon biblique.
Avoir une descendance n’est pas un droit : c’est un don de Dieu. Voilà la leçon biblique
Echec total
Car, justement, et c’est ma deuxième raison, l’histoire de cette « GPA biblique » est celle d’un échec total. Qu’on la relise bien : Sarah souhaitait avoir un enfant de son mari « par l’intermédiaire d’Agar », sa servante. Mais ce qui devait arriver, arriva : la mère-porteuse s’attacha à l’enfant et, bien loin de donner l’enfant à Sarah, s’enfuit avec au désert ! Résultat : la sympathique petite troupe devint un véritable nœud de vipères : la mère d’intention jalousa la mère-porteuse, la mère-porteuse méprisa la mère d’intention, quant à l’enfant – Ismaël – ballotté entre Agar et Sarah, il eut ce que l’on appellerait aujourd’hui, « quelques difficultés à se construire ». Il devint, comme on dit, un écorché vif. « Ce sera un homme fier et sauvage ; il lèvera la main contre tous et tous lèveront la main contre lui » (Genèse 16, 12).
Trois millénaires et demi plus tard, Mammon s’en mêle et voudrait reproduire cet échec à l’échelle industrielle : des gens riches vont vouloir faire fabriquer, selon leurs désirs, des enfants par des femmes pauvres – des femmes ravalées au rang de ventres à louer. S’il est une leçon à retenir de cet épisode biblique, c’est que la maternité ne se partage pas et que, derrière les petits arrangements contractuels entre adultes pour satisfaire des désirs aussi bruyants que chimériques, il y a une victime aussi silencieuse que réelle : l’enfant.
Charles Becquérieux