Ce travail qu’institua le Très-Haut
L’antique obligation de « gagner son pain à la sueur de son front », imposée par Dieu au premier homme, après sa faute, était reconnue par la loi religieuse comme impérieuse. Nul ne devait s’y soustraire : la paresse était méprisée, condamnée en plusieurs passages de l’Écriture particulièrement dans le Livre des Proverbes. Le Juif devait avoir un métier.
Il faut se représenter l’Israël du temps de Jésus comme un peuple essentiellement formé de laboureurs, de pasteurs, de pécheurs, un peuple d’économie rurale.
C’est ainsi que les thèmes de ses paraboles et de ses discours sont en majorité empruntés à la vie paysanne : voici le semeur dont la graine tombe en différents endroits, le champ de blé où les bons épis s’entremêlent d’ivraie, les journaliers qui travaillent à la vigne, le berger qui part à la recherche de la brebis perdue.
La vie du bon pasteur
La profession de gardien de troupeaux et d’éleveur est, en Israël, la plus ancienne profession rurale. Avant de se fixer à la terre, le peuple élu avait été nomade, vivant sous tente et poussant ses bêtes de pâturage en pâturage. Garder les moutons ou les chèvres n’était pas un métier de tout repos, sachant qu’il existait des troupeaux de milliers de bêtes.
Le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis n’est pas un mythe ; c’était, il y a 2 000 ans, une réalité de la vie palestinienne. Rude existence « Le jour, on brûle, la nuit le froid mord », gémissait Jacob.
Le berger avait pour la brebis égarée les sentiments que le Christ éprouve pour l’âme en péril. Il s’inquiétait, se lançait à sa recherche, puis, l’ayant trouvée, il la rapportait sur ses épaules. On ne parle pas sans amitié de cette profession qui a légué cette image inoubliable du « Bon pasteur ».
Les travailleurs des champs
La terre de Palestine, assez fertile, était, dans l’ensemble, bien cultivée, mais la répartition des propriétés souvent petites, exigeait quelquefois de longs déplacements.
Comme chez nous le travail de la terre est de ceux qui ont le moins changé au cours des siècles. Jusqu’au 20ème siècle, le paysan palestinien labourait, semait, vannait sur l’aire comme au temps de Jésus. La loi (Cf la poétique histoire de Ruth) autorisait les pauvres à glaner, voire à ramasser la gerbe oubliée (Deut. 24.19).
On vivait en autarcie, en pratiquant la polyculture comme autrefois en Bretagne : les paysans avaient un jardin, trois ou quatre moutons pour la laine et quelques plants de vigne pour le raisin. On ramassait aussi les figues et les olives.
On ne travaillait pas avec excès : on se contentait de ce qu’il fallait pour vivre et l’on était satisfait si l’on disposait du nécessaire. Mais si beaucoup de ruraux étaient pauvres, rare était la misère.
"Jetez vos filets "
Tout proches des paysans se trouvaient les pêcheurs. Ils occupaient un rang social honorable : ils fournissaient un aliment essentiel et ils faisaient preuve d’une grande piété. Outre l’hameçon de métal, on employait deux sortes de filets : on s’en rend compte dans l’Évangile, quand Jésus dit à ses disciples : « Jetez vos filets. » Il ne s’agit pas du même objet que lorsqu’il est question dans la parabole, « d’un grand filet qui ramène toutes sortes de poissons et que les pêcheurs tirent au rivage. »
La vie des pêcheurs trempe le caractère des hommes. Aussi ces marins d’eau douce que sont les pêcheurs du lac de Tibériade tranchent-ils sur tous les travailleurs dont nous parle l’Évangile. On les devine courageux, rigoureux et d’un robuste enthousiasme. « Fils du tonnerre », ainsi Jésus appelle-t-il deux d’entre eux, Jacques et Jean, avec une gentille ironie.
On comprend que, pour réaliser sa mission, Jésus ait fait appel à ces gars solides, pleins de courage et de ferveur, à ces âmes fidèles : « Suivez-moi, leur dit-il, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » « Et Simon et André, puis Jacques et Jean, laissèrent là leurs filets » (Mt. IV – 19 – Marc I -17).
Les artisans « ces gens de métier »
Cette expression avait été utilisée par le Siracide dans un développement chaleureux qu’il avait consacré aux travailleurs « qui mettent leur confiance dans leurs mains » et sans qui « nulle cité ne pourrait exister » (Sir 38 – 24-34). Il y avait donc des artisans juifs : la Bible cite vingt-cinq métiers. Le métier se transmettait de père en fils. Il y avait des familles de fabricants de sandales, de tisseurs de tentes (songeons à saint Paul), de potiers ou d’orfèvres. Mentionnons aussi les carriers, les tailleurs de pierres, les maçons.
De tous ces métiers, il en est un qui semble avoir eu une importance particulière : le métier de Joseph et sans doute de Jésus, pendant son enfance, celui de charpentier (Marc 6 – 3).
Le Siracide avait observé qu’une demeure où « la charpente était bien assemblée, résisterait au tremblement de terre. »
En fait le charpentier était bien autre chose que l’homme à la poutre. Il était aussi le menuisier, « le constructeur de la maison », ce à quoi on peut ajouter l’ébéniste, le sculpteur, le charron et même le bûcheron. En somme, tous les métiers du bois. Cette absence de spécialisation est une caractéristique de l’artisanat rural.
« Saint Joseph était un charpentier qui a travaillé honnêtement pour garantir la subsistance de sa famille » (Pape François, Patris Cordes 9), une manière de nous rappeler que la dignité humaine passe par le travail.
