Esther, personnage biblique à la destinée singulière, s’avère une fois de plus une femme de courage et d’action. Seule, et face au destin tragique du peuple juif, elle sut résister en une mémorable prière.
Le destin d’Esther ne cesse d’étonner des siècles après son évocation dans la Bible. Cette jeune juive à la beauté légendaire porte un prénom de fleur, la myrte ou hadassah en hébreu. C’est cette beauté qui la fait remarquer alors qu’elle est captive avec le reste de son peuple à Babylone après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor. Nièce de Mardochée, elle entre dans le harem royal sans révéler sa parenté, ni son peuple. Choyée, elle reçut, comme toutes les jeunes vierges promises au roi, de l’huile de myrrhe, du baume et des onguents. Ainsi parée, C’est elle qui trouvera grâce aux yeux du roi Assuérus. Ébloui, il en fera sa nouvelle épouse et la reine de Perse…
La terrible menace
Mais un destin tragique devait rattraper Esther. Les jalousies croissent à l’égard d’Esther et de son oncle Mardochée qui avait gagné les faveurs du roi en déjouant un complot contre lui. Aman, descendant d’Amalec, l’ennemi héréditaire des Juifs, devient le nouvel officier en chef du roi et cherche à faire tomber Mardochée et tout le peuple juif. A cette fin, il prétend qu’ils ne respectent pas les coutumes religieuses de l’empire et refusent de se plier aux lois royales. Furieux, Assuérus suit l’avis d’Aman et lui donne pouvoir d’exterminer tout le peuple juif avec Mardochée, et sans le savoir sa propre épouse…
L’imploration d’Esther
La situation est désespérée car la haine d’Aman contre les Juifs n’a d’égal que la toute-puissance qu’il tient désormais du roi pour assouvir sa vengeance. Aman met son plan à exécution et programme l’extermination de tous les Juifs, femmes et enfants inclus, dans toutes les provinces du royaume. C’est à ce moment tragique que surgit cette mémorable prière d’Esther qui débute par ces mots fervents : « Mon Seigneur, notre Roi, tu es l’Unique ; viens me secourir, car je suis seule, je n’ai pas d’autre secours que toi, et je vais risquer ma vie… » Véritable abandon dans la miséricorde divine, cette prière a traversé les temps jusqu’à nos jours.
La victoire éclatante
Ce récit plein de suspens montre combien la jeune reine, après avoir osé demander à parler au roi sans audience préalable, tremble, s’évanouissant même à la vue de ce monarque, son époux. Car elle sait trop bien qu’elle risque non seulement sa vie, mais aussi celle de tout son peuple dont la survie dépend de cette rencontre. Assuérus, toujours aussi ébloui, la rassure et lui accorde tout ce qu’elle souhaite, le renversement est total : la reine relate le complot d’Aman, le roi est furieux et exige qu’il périsse sur le champ, la potence prévue pour les Juifs sera la sienne ! Avec 75.000 de ses coreligionnaires qui avaient comploté contre les Juifs passés au fil de l’épée, la victoire est sanglante et impitoyable, victoire commémorée chaque année par la fête de Pourim en février-mars.
Esther, source d’inspiration
La force de cette seule prière désespérée a inspiré Racine avec sa célèbre pièce Esther, écrite pour Madame de Maintenon, et faisant de ce récit biblique une tragédie sacrée. C’est cette même puissance de l’oraison face à l’adversité qui a également touché la philosophe Elisabeth de Fontenay en un essai personnel et délicat « La prière d’Esther » (Seuil). La peinture a su aussi reprendre ce thème avec magnificence, en témoigne Esther et Assuérus de Filippo Lippi, représentant la jeune femme acceptant son destin humblement agenouillée devant le monarque à l’image de Marie dans les scènes de l’Annonciation ; scène qui tranche avec l’évocation langoureuse et orientaliste de Théodore Chassériau dans son tableau La Toilette d’Esther.