En Bretagne, peut-être bien plus encore que d’en d’autres régions, nous ne parvenons que difficilement à dissocier la fête de la Toussaint et celle qui la suit immédiatement, la fête des morts. Nos vies et celles de nos disparus sont heureusement si mêlées et nouées qu’il nous est souvent et très naturellement compliqué de retirer nos masques de tristesse pour nous souhaiter simplement une bonne fête !
Et si, nous essayions de changer nos habitudes, et de voir en la fête de la Toussaint la formidable réserve de bâtisseurs qu’elle nous propose. De belles figures nous viennent alors à l’esprit et nous redisent combien, dans la grandeur de leurs actions ou l’infinie discrétion de leurs quotidiens, elles ont marqué leurs époques.
Certaines de ces personnes ont littéralement soulevé ou renversé les montagnes pour redonner toute la dignité aux hommes de leur temps, tandis que d’autres ont mené une existence quasi méconnue ou silencieuse et tout aussi lumineuse. Leur idéal de vie peut parfois nous sembler si inaccessible et si éloigné de nos préoccupations actuelles qu’il nous arrive sans doute de trop les idéaliser, de douter de nos propres possibilités. Si leurs témoignages et l’exemple qu’elles nous donnent restent d’une grande force, nous pouvons en dire tout autant sans doute de la multitude de nos proches qui font assurément partie de la même cohorte de bâtisseurs. Souvenons-nous de tous ceux qui nous précèdent et qui ont su, humblement ou de façon parfois plus exposée, apporter leurs pierres à tous ces ponts qui nous restent à construire, encore et toujours.
Nous ne serons jamais trop nombreux pour refaire le monde, pour poursuivre cette création inachevée. Avec bonheur, souvenons-nous de ces hommes et de ces femmes qui ont cru aux valeurs de la Bonne Nouvelle, sans parfois y mettre les mots mais en la vivant concrètement par : l’écoute de l’autre, le partage jusque dans l’essentiel parfois, le respect de chacun tel qu’il est, l’humour et la joie au creux des jours de fête comme la douleur et les pleurs au plus profond des jours de peine, le refus de l’inacceptable et le compromis quand il est nécessaire, le pardon et l’empathie… Un chemin de vie tout simplement, mais la vie totalement et pleinement.
Une proposition : si nous le pouvons, le jour de la Toussaint, prenons le temps de nous remémorer tout ce que nos absents nous ont légué, comme autant d’invitations à bien construire demain dès aujourd’hui. Alors, assurément, au-delà de la couleur des chrysanthèmes et des fleurs de novembre, nos pas devraient être plus assurés pour affronter l’hiver qui viendra à son heure. Les couleurs du printemps nous sont déjà promises !
René LE MEUR