Marche et bivouac dans l’Atakor-Massif du Hoggar
Suite du récit de Marie-Hélène et Louis Le Mée (Voir la première partie)
« À nous qui sommes empressés de trouver la paix, il est bon de se souvenir que le saint du Sahara n’a atteint ces contrées qu’au terme d’un long chemin. Il faut du temps à la grâce pour investir un homme et assouplir son cœur… »
(Charles Wright – Le chemin des estives)
Le désert du Hoggar se situe à 2 000 kms au sud d’Alger. Sur ce plateau rocailleux de 1 450 mètres d’altitude, s’élève le massif montagneux de l’Atakor n’Ahaggar qui culmine à 3 000 mètres. Alentour, les glacis externes conduisent aux grands oueds asséchés à des regs désertiques et caillouteux au pelage fauve et noircis par l’oxydation, gorges rocheuses aux eaux permanentes s’étalant dans des vasques, tel le Gueltas de In Houten, de basalte bleuté, bordées de lauriers roses, de joncs où volent oiseaux, libellules et papillons. Ces oueds et regs se découpent à perte de vue dans ce décor fantasmagorique de pics et de cônes volcaniques. Les lueurs voilées des aurores, teintes violacées des premières heures, jouent avec les reliefs accusés des montagnes et des dunes.
Le dimanche matin, sur la route qui nous conduit vers La Frégate, à la messe chez les petits Frères de Jésus et la sœur de la congrégation du Sacré-Cœur de Charles de Foucauld, Lamine nous a accompagnés chez un commerçant pour acheter nos chèches, indispensables pour marcher dans le Massif du Hoggar. Le chèche c’est 4 mètres de tissu : du coton blanc ou bleu ciel de préférence. Chez les Touaregs, la longueur des chèches peut atteindre 10 mètres ! Ils portent des chèches en bleu indigo uniquement pour les fêtes. Ici, Marie-Hélène prend un cours
L’Atakor du Hoggar
L’Atakor du Hoggar est une des régions mythiques du Sahara, surtout depuis que Charles de Foucauld y pénétra et s’y installa.
Ces paysages accidentés, volcaniques, brunâtres et ascétiques, furent ceux que choisit le « frère universel » pour vivre en solitude et répondre à l’appel de Dieu. C’est au contact des nomades du Sahara que Charles de Foucauld approfondit son intuition spirituelle.
Accompagnés par une équipe de Touaregs et de dromadaires, notre randonnée chamelière fût une invitation à une authentique vie nomade durant plusieurs jours. Jour après jour, au cœur de paysages exceptionnels de beauté et de majesté, nous avons découvert la vie de nos frères touaregs lors de discussions riches en enseignements. Surtout, nous avons été très impressionnés par la communion spirituelle que ce peuple, en harmonie parfaite avec son environnement, dégage : sérénité, aucune agitation, tout est mesuré sans précipitation, sagesse, détachement et abandon total entre les Mains du Créateur de leur grand royaume du massif du Hoggar. Aussi en mettant nos pas dans ceux du « petit frère Universel, nous avons découvert la vie de Charles de Foucauld.
« Dieu a créé un pays plein d’eau pour que les hommes puissent vivre et un pays sans eau pour que les hommes aient soif, et un désert : un pays avec et sans eau, pour que les hommes trouvent leur âme. » Proverbe touareg.
Pour la première nuit en bivouac nous avons quitté Tamanrasset, préfecture du Hoggar, qui s’élève à 1 450 m d’altitude. Nous avons rejoint, à 40 km environ de Tamanrasset, la « Piste d’Illamane » : 2 823 m d’altitude, cheminant dans des cirques bordés de crêtes de lave, souvent prismatiques, en tuyaux d’orgue. Nous avons rencontré souvent les ânes sauvages, les dromadaires en liberté, sans oublier les redoutables acacias du désert, des fleurs telles que l’oseille des noueurs, avec ses fleurs roses/rouges, des fruits, tel que le « Cucumis pustulatis » de la famille des cucurbitacées. Je fais mon malin, mais je ne connais rien en fleurs ! Une fleur c’est comme une jolie fille, je n’ai pas besoin de connaître son nom pour la trouver belle ! Ces noms de fruits et de fleurs me furent donnés par une personne du groupe, Claude, que j’avais surnommé « Théodore Monod ». Ả chaque pause et bivouac, il partait à l’aventure pour faire des trouvailles, dont des tessons de poteries très très anciennes.
Ce fut une marche, très physique, de plusieurs jours en crapahutant sur plusieurs cols vers Assekrem : 2 706 m d’altitude, ermitage du père de Foucauld. Malheureusement, il y a eu un accident ! Marie-Paule, une dame âgée, lors d’une chute a eu le col du fémur cassé. Fort heureusement, il y avait deux médecins parmi les pèlerins ! Ensuite, lors de notre marche, il y a eu quelques mésaventures de moindre incidence. Baha, le chef de la caravane, invitait, à juste raison et avec prudence, les personnes les plus âgées à monter dans le 4X4 des cuisiniers pour nous retrouver au déjeuner et au bivouac du soir. Ce fut un peu frustrant pour ces personnes, mais il y a eu quelques journées physiquement éprouvantes. Bien que j’aie marché jusqu’au bout sans prendre une seule fois le 4X4, ni grimpé sur un dromadaire (pauvre bête !), j’en ai bavé !
Fort heureusement, nous étions un groupe formidable avec des personnes vraiment adorables venant de diverses régions de France. Nous étions accompagnés par le père Frédéric Le Gall.
Messe dans le désert avec le père Frédéric Le Gal, prêtre Suisse d’origine Bretonne. Après avoir été longtemps prêtre-exorciste dans les diocèses de Nice et de Lausanne, Genève et Fribourg (Suisse), il poursuit ses investigations sur la place de la spiritualité dans le soin des maladies psychiques. Il étudie leur commune interaction dans la vie concrète de personnes souffrantes qu’il accompagne au quotidien. Docteur en théologie dogmatique, il est membre de l’association internationale des exorcistes.
Le piton de l’Ilimane et le plateau de l’Assekrem
Les Dag Ghali font partie des groupes touaregs de l’Ahaggar qui forment une société hiérarchisée. C’est la plus importante tribu imrad vassale des Kel Rela, la tribu noble Imohagh.
Les Kel Rela seraient les descendants de Tin Hiran, première reine touareg. Les nobles peuvent aller n’importe où, la où ils veulent, alors que les territoires de nomadisme des imrad sont limités.
Chaque tribu imrad paie une redevance tioussé à l’amenokal, le chef suprême, régnant sur l’ensemble des tribus. Le dernier amenokal, mort en 1975, était un Kel Rela. Les Dag Ghali seraient, eux, les descendants de Takamat, la suivante – servante – de Tin Hiran.
Accueil dans le village touareg de la tribu des Dag Ghali Tarhananet chez le chef de la tribu. Thé servi en trois passages avec des galettes de semoule. Le troisième thé est avec la menthe.
Le plateau de l’Assekrem (2 780m)
L'ermitage de saint Charles de Foucauld
Le spectacle est stupéfiant : un désert de pierres austère et minéral. Les pitons et les falaises de basalte et de phonolithe, qui découpent l’horizon et que décrit, avec minutie, la table d’orientation du Touring Club de France, installée devant l’ermitage, sont, en fait, d’anciens volcans qui datent pour la plupart du tertiaire ou du quaternaire (entre 40 et 20 millions d’années). Le plus « jeune », est vieux de 10 000 ans au moins. Au fil des siècles, des changements climatiques et du patient travail de l’érosion, les couronnes des volcans ont été dégagées, pour laisser place à ces pointes dénudées. Les premiers hommes installés dans la région ont dû voir les derniers volcans exploser.