On s’imaginait Jésus entouré d’une garde rapprochée de douze hommes, les femmes demeurant à distance comme au fond du décor.
En lisant les Évangiles, il suffit d’en interroger le principal protagoniste, Jésus lui-même, et d’observer ses relations, dialogues et interactions avec les femmes.
Non seulement elles sont nombreuses mais elles sont loin de faire tapisserie : rendons hommage aux Évangélistes qui rapportent de nombreux tableaux où les femmes occupent le devant de la scène.
Quelques chiffres éloquents : le plus féministe des évangiles est celui de Luc où 40 % des personnages sont féminins, Marc et Jean tournant autour de 30 %.
« Jésus, l’homme qui préférait les femmes » est le titre d’un livre paru en 2018, écrit par Christine Pedotti, bibliste catholique et féministe, qui fait remarquer « qu’il n’est pas nécessaire d’interpréter les textes et qu’il suffit de les lire pour y découvrir « l’estime de Jésus pour les femmes. » »
Rappelons d’abord qu’il y a une femme à l’origine : Marie de Nazareth, et une femme à la Résurrection : Marie-Madeleine.
Nous n’évoquerons pas ici la Vierge Marie qui, à elle seule, mériterait un long développement, pour nous consacrer à des personnages souvent moins connus du Nouveau Testament.
Il y a 2000 ans, un homme juif parcourt les routes de Judée pour annoncer la bonne nouvelle. Parmi les gens qui le suivent se trouvent des femmes. Saint Luc en nomme trois : Marie-Madeleine, Jeanne, la femme de Kouza, l’intendant d’Hérode, et Suzanne.
« Dans la relation aux femmes, estime Valérie Duval, auteur de la « La Bible est-elle sexiste ? », le Christ propose un modèle inégalé. Il les prend pour amies, discute théologie avec elles, les envoie en mission. C’est une attitude d’une impressionnante liberté. Non seulement il traite les femmes avec respect et dignité mais surtout il ne les réduit pas à leur sexe ou à leur maternité. Ainsi l’une d’entre elles l’interpelle en criant : « Heureuse celle qui t’a porté et allaité. » Il répond : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent. »
C’est à une femme, la Samaritaine, que, pour la première fois, il révèle sa divinité.
Nous y reviendrons. C’est aussi une femme, Marie Madeleine, qu’il choisit comme premier témoin de la Résurrection.
« Et il fait cela à l’époque où le témoignage des femmes n’est pas considéré comme fiable », relève la bibliste. Sa manière d’agir contraste avec les mœurs de l’époque. On ne le voit pas tenir de grands discours féministes, ce qui correspond aux attentes contemporaines, mais sa manière d’agir amène suffisamment de subversion pour que rien ne soit plus comme avant.
Ainsi Jésus inaugure une nouvelle ère qui va faire des émules dans les premières Églises.
Marthe et Marie : quel rôle pour la femme ?
Jésus ne protège pas seulement les femmes, il les considère comme de véritables interlocutrices.
Relisons le passage de l’Évangile de Luc (10, 38-42) : l’auteur nous fait entrer dans la maison de deux femmes, Marthe et Marie, sœurs de Lazare, à Béthanie. Marthe, sans doute l’aînée, s’agite à la cuisine comme une bonne maîtresse de maison afin d’accueillir dignement son hôte, tandis que Marie demeure assise aux pieds de Jésus qu’elle écoute.
Mais Marthe ne l’entend pas ainsi et l’évangéliste, avec un beau talent littéraire, nous la montre furieuse, faisant, en une seule phrase, reproche à Jésus et à sa sœur. « Cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m’aider ! » Eh bien non, cela ne lui fait rien à Jésus qui répond à la râleuse.
« Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée (Luc 10, 40 – 42). » Le rôle naturel de la femme n’est donc pas d’être à la cuisine ! Si une femme le souhaite, elle a le droit à la part qui, dans le judaïsme traditionnel, est celle des hommes : celle de la réflexion et de l’étude.
Evidemment, il n’y a pas une place meilleure que l’autre : Marthe a du mérite à préparer le repas. Mais se comparer à sa sœur la rend malheureuse et agressive. Marie, elle, a su se rendre disponible pour une relation de qualité.