C’est lors d’un congrès sur saint Colomban que fut esquissée la « construction européenne », à Luxeuil. Ce qu’ont manifestement oublié ses dirigeants.
C’est lors d’un congrès sur saint Colomban que fut esquissée la « construction européenne », à Luxeuil. Ce qu’ont manifestement oublié ses dirigeants.
L’histoire est peu connue… et l’on n’en cultive pas vraiment la mémoire. C’est pourtant sous l’égide de saint Colomban que les fondations de la « construction européenne » furent jetées après-guerre. Par ses pérégrinations à travers l’Europe, ce moine irlandais, contemporain de saint Benoît, fit beaucoup pour évangéliser le continent et assurer son unité spirituelle.
Catholique fervent, Robert Schuman (1886-1963) s’en souvint quand il décida, dès la fin des années 1940, de favoriser la création d’une union européenne, seule capable, selon lui, de garantir la paix. Alors ministre des Affaires étrangères, il cherchait chez nos voisins des alliés qui soutiennent ce projet. Mais il n’y avait pas encore de majorité, à l’Assemblée, pour approuver cette idée. Traumatisés par l’Occupation, la plupart des Français n’y étaient pas favorables. Et le continent était divisé entre l’Est et l’Ouest. Comment réunir les partisans d’une Europe unie sans ébruiter ces premières discussions ?
Réunion secrète
Schuman confie l’affaire à Gabriel Le Bras, conseiller pour les affaires religieuses au quai d’Orsay, professeur de droit romain et de droit canonique. Qui en parle à l’une de ses anciennes élèves, Marie-Marguerite Dubois, enseignante à la Sorbonne. Tous deux ont l’idée d’organiser un colloque international réunissant clercs et laïcs pour célébrer les 1400 ans de la naissance de saint Colomban. C’est ainsi que se retrouve à Luxeuil-les-Bains, du 20 au 23 juillet 1950, en présence du nonce apostolique, Mgr Angelo Roncalli – futur Jean XXIII –, un aréopage d’universitaires, de théologiens et de ministres venus de sept pays européens. Sans oublier un délégué de l’ambassade américaine à Paris. Les politiques se réunissent discrètement en marge de ce congrès pour évoquer l’avenir.
Rien n’a filtré de leurs discussions même si, lors de l’inauguration de la statue de saint Colomban – devant 20 000 personnes –, le ministre des Affaires étrangères irlandais, Sean MacBride, laisse percer l’ambition de ce congrès : « Nous sommes certains que les travaux et les délibérations qui se sont tenus à Luxeuil […] aideront au développement de la civilisation européenne et chrétienne dans l’idéalisme de saint Colomban. » L’année d’après, sera signé le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier rassemblant la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg – la CECA, premier maillon d’une « construction » européenne, bien oublieuse aujourd’hui de ses racines.
Fabrice Madouas
Jiournaliste
Saint Colomban, le marcheur de Dieu
« Au Seigneur saint, au Père qui est à Rome le plus bel ornement de l’Église du Christ et comme la fleur auguste de l’Europe languissante, […] moi, vil Colomban, j’adresse mon salut. » Ainsi débute l’une des lettres adressées par Colomban au pape Grégoire le Grand vers 590. Cette correspondance atteste l’influence qu’exerça cet infatigable randonneur de Dieu à la fin du VIe siècle. Né en Irlande en 540, mort en Italie en 615, ce moine, de fort caractère, sillonna l’Europe après avoir débarqué près de Saint-Malo dans les années 580, avec une douzaine de ses compatriotes. Leur zèle missionnaire affermit le christianisme en Gaule et favorisa la conversion des populations germaniques et alémaniques. Colomban fonda plusieurs monastères, à Luxeuil (Haute-Saône), à Brégence (Autriche), à Bobbio (Émilie-Romagne), qui essaimèrent sur tout le continent. Il leur donna une règle insistant sur l’ascèse, la pénitence et les mortifications, mais qui protégeait aussi le caractère secret de la confession. Cette règle fut appliquée dans plusieurs centaines d’abbayes avant que ne se répande celle de saint Benoît.
F.M.