Consécration religieuse présidée par l’abbé Nicole
En la fête de l’Immaculée Conception, le 9 Décembre 2024 la Communauté des Augustines de Gouarec était particulièrement en fête pour la célébration de la Profession temporaire de Sr Joséphine Compaoré.
Ce jour-là, en présence de l’Eglise, Sœur Joséphine s’est engagée à la suite du Christ dans la communauté des Augustines.
Au terme de deux années de noviciat pendant lesquelles la novice apprend à mieux connaître la vie de la communauté dans laquelle elle se sent appelée, elle s’engage pour trois ans, entre les mains de la Prieure, à suivre le Christ en communauté fraternelle par « les vœux de chasteté, pauvreté, obéissance et de servir les pauvres et les malades selon la Règle de St Augustin et les Constitutions de l’Ordre canonial de la Miséricorde de Jésus.»
Le voile blanc est remplacé par le voile noir et la Professe reçoit la Règle et les Constitutions.
Soeur Thérèse Marie
Sœur Joséphine COMPAORE
Le 8 décembre, situé dans les premiers jours du temps de l’Avent, marque la fête de l’Immaculée Conception, mais en 2024, parce que le 8 décembre tombait un dimanche, la fête de l’Immaculée Conception a été reportée au 9 décembre. La solennité de l’Immaculée Conception nous rappelle la destinée unique de Marie, femme choisie par Dieu. Aussi comment ne puis-je pas faire une association avec ce passage du prophète Isaïe : J’entendis, une voix qui disait « Qui enverrai-je ? » « Qui sera mon messager ? », et je répondis « Me voici Seigneur, envoie-moi. » (Is. 6,8)
Ce 9 décembre 2024 fut pour moi une réponse à cet appel du Seigneur qui résonnait au fond de moi depuis tant d’années. Spirituellement, je m’étais préparée à répondre à cet appel en conscience, dans un choix assumé, sans hésitation, en étant libre et dans la joie. Sans savoir pour autant dans quel état d’âme je serais ce jour-là, je savais qu’en étant entourée par les sœurs pour me guider et mes amis présents, cette journée allait marquer un tournant essentiel de mon chemin de vie. Chemin de vie marqué par un engagement sans faille tourné vers les autres en toute humilité et dans la foi.
Après la méditation du passage de l’annonciation, la foi et la confiance de Marie m’habitaient, j’étais impatiente de répondre « Oui » à mon Dieu, en compagnie de ma Mère du ciel. Avant la messe, je me suis retirée dans notre salle de prière où, dans le silence, la paix et la douce présence du Seigneur, j’ai pu me préparer à ce que j’allais vivre quelques instants plus tard. Puis en me déplaçant de la salle de prière vers le lieu de la procession, j’étais animée d’une force intérieure et d’une belle énergie à la vue des sœurs rassemblées, des prêtres et d’un couple qui pour moi représentait non seulement mes parents. Je suis certaine que mes parents, depuis le Burkina Faso, ma famille et mes amis, tous, par la pensée, étaient présents et témoins de mon engagement devant Dieu ce lundi 9 décembre 2024. C’était pour moi l’écho de la parole de l’ange à Marie que je venais de méditer « ne crains pas ». J’avançais en procession dans la joie d’une action de grâce avant le don reçu. Cela me donna de l’énergie pour glorifier la puissance de Dieu avec Marie, la Mère du Sauveur.
Le rite de cette célébration eucharistique fut pour moi un moment de forte intensité et de la joie tout en étant consciente de ce qui s’imposait à moi dans une vie fraternelle, de prières et d’actes au service de l’Église et de notre société. Le cierge allumé, reçu de la main de ma maîtresse de formation, m’a plongé dans une totale sérénité. Ce cierge que je tenais m’enflammait au plus profond de moi-même. Cela me donnait beaucoup d’enthousiasme pour exprimer mon désir de suivre le Christ de façon consciente, déterminée, libre et joyeuse. J’étais ravie de prononcer mes vœux à travers les conseils évangéliques et le service des pauvres et des malades par la Miséricorde. La remise de la formule des vœux à la supérieure, celle des insignes reçus du célébrant et surtout le baiser donné aux sœurs furent pour moi également un moment de fortes émotions. Les sentiments intérieurs ressentis restent pour moi inexplicables. Le fait de rejoindre le rang des sœurs me faisait prendre conscience que je prenais place dans la maison qui était la mienne et d’entendre silencieusement : « Ça y est, tu es des nôtres maintenant ».
A la fin de la messe, quelle joie j’ai ressenti lors des retrouvailles et des échanges avec les personnes présentes, attendues et inattendues, figure de l’Église universelle. Dans la joie et l’action de grâce, je peux dire aujourd’hui désormais que je viens de tous les horizons car fille et sœur d’un bon nombre de gens d’Afrique et de la France qui m’a généreusement accueillie.
Le temps du pot de l’amitié et du déjeuner partagés, rempli de convivialité m’a vraiment plongée dans la fête.
Je bénis le Seigneur pour les belles rencontres de cette journée qui restera inoubliable pour moi, dans une joie partagée, signe d’une belle fraternité.
Mon retrait à la chapelle après le départ des uns et des autres a été un vrai moment d’action de grâce. Je prenais pleinement conscience que je venais de vivre quelque chose d’extraordinaire dans ma vie et au sein de ma communauté ce 9 décembre 2024.
Merci à Dieu et à chacun d’entre vous pour m’avoir accompagnée lors de mes vœux. Vous avez été témoins de mon engagement déterminé et dans la joie pour notre Seigneur. Merci de prier pour que ma vie soit toujours une fleur, un parfum de bonne odeur, reflétant le visage miséricordieux du Seigneur. Prions sans nous lasser le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
En la fête de l’Immaculée Conception et la Profession de sœur Joséphine.
« Je n’aime pas faire une homélie le 8 décembre ou le 15 août ». C’est François Varillon qui l’écrit. Il précise : « Mais j’aime dans un discours chrétien qui a un autre objet qu’une fête mariale faire intervenir Marie. Toute homélie sur Marie elle-même est non seulement inadéquate mais encore pénible ».
Je me reconnais un peu dans cette hésitation de François Varillon. J’aime surtout parler de Marie quand elle est mise en perspective de Jésus, de l’Église. Marie ne devrait jamais être isolée et séparée de l’ensemble du discours de la foi chrétienne. Marie devrait toujours être présentée comme une enfant de Dieu, notre sœur en humanité, la jeune femme juive qui a vécu de la foi et de l’espérance de son peuple, comme celle qui a assumé, avec tous ses risques, la maternité d’un fils.
C’est à cette mise en perspective que nous invite cette fête de l’Immaculée. Nous parlons de Marie mais elle nous conduit à Jésus et à l’Église, et tout particulièrement aujourd’hui au don que Joséphine fait de sa vie. La grâce de l’Immaculée est en vue de Jésus, pour Lui et pour sa mission. Marie n’est pas une privilégiée. Elle est une servante. C’est ce titre qu’elle s’est donnée à elle-même.
Mais quelle est donc cette grâce de l’Immaculée Conception ?
Nous sommes en 1854. Le pape s’appelle Pie IX. Comme encore aujourd’hui, des idées et des thèses excessives concernant Marie parcourent l’Église. C’est alors qu’il promulgue un dogme que l’on appellera l’Immaculée Conception. Ce que dit ce dogme est précis et court. Marie comme toute créature humaine n’échappe pas au besoin d’être sauvée du péché. Par un don du Seigneur, une grâce et une faveur singulière dit le dogme, elle est préservée de toute souillure du péché originel. Ainsi dès le premier moment de son existence, elle appartient au Christ qu’elle enfantera plus tard. À aucun moment de son existence Marie n’a été soumise à la domination du péché. Ainsi s’accomplira l’antique promesse faite à Ève dans la Genèse et que l’on nomme le Protévangile, le premier Évangile de l’annonce de la victoire de la descendance de la Femme sur la descendance du serpent (première lecture Gn 3,15).
Dans le silence que Dieu garde encore sur l’avenir de l’humanité, l’histoire prend son tournant- elle s’incurve dirait le poète. Elle prend une direction nouvelle. L’histoire sainte de Dieu avec les hommes entre dans une nouvelle étape. Dieu vient partager notre vie. Ce ne sont plus des prophètes qu’il envoie mais son propre fils « né de la femme à la plénitude des temps » (Gal 4,4). L’Ancien Testament et ses promesses arrivent à leur accomplissement.
Ce grand tournant se fait dans le silence de la conception de Marie.
Dans ce silence, à cette profondeur Dieu prépare une demeure digne de son Fils nous dit l’oraison du début de cette célébration.
Dieu prépare : il veut, il a un projet, il sait ce qu’il veut, il prend des moyens et les met en œuvre.
Ces quatre points révèlent Dieu comme quelqu’un capable de relation, quelqu’un qui se tourne vers nous, qui a le désir de nous rencontrer, qui nous parle « comme un ami parle à un ami ».
Mais que prépare donc Dieu ?
Ce que Dieu prépare c’est une demeure pour son fils, comprenons une mère. Cette mère n’offre pas seulement son corps mais aussi un cœur qui aime, une liberté qui dit oui pour que Dieu puisse se faire homme : naître, grandir, mourir. Par cette grâce de l’Immaculée Marie est ainsi rendue toute disponible pour la mission qui lui sera confiée, devenir la Mère du Sauveur. Sainte Thérèse de Lisieux ajoutera que c’est par avance qu’elle a été préservée de la faiblesse du péché des origines quand Adam et Ève se sont détournés de l’amitié paisible avec le Seigneur. Il m’a empêchée de tomber. Il m’a remise d’avance, dira-t-elle. Par un don qui prévient, le Seigneur a empêché de Marie de tomber. Mais Dieu veut aussi tous nous relever quand le péché nous a fait tomber. Il y a le même amour à protéger de la chute qu’à en relever. C’est là une merveilleuse expression de ce qu’est la Miséricorde. Avoir pour autrui la même compassion que celle que Dieu nous a manifestée. Elle est miséricordieuse, la même qui a été protégée et qui protège, Marie de la miséricorde.
Joséphine, vos supérieures ont choisi cette fête de l’Immaculée Conception pour que vous disiez publiquement devant l’Église réunie votre désir de vous donner totalement à Dieu dans la famille des Augustines de la Miséricorde de Jésus. Cette date est bien opportune. Pour commencer, elle nous réunit dans une même joie, vous-même sœur Joséphine, vos sœurs de la Communauté de Gouarec, votre Fédération, notre Église diocésaine, votre famille, vos amis. Tous nous partageons votre joie. Et aussi votre paix. Joie et paix que le Ressuscité nous donne au matin de Pâques.
Il y a une autre convergence entre cette fête de l ‘Immaculée et votre consécration. Une convergence essentielle !
En ce jour où Dieu, de manière cachée, prépare la naissance de son Fils dans le corps d’une Vierge, vous Joséphine vous renoncez à la maternité pour révéler qu’il y a une autre fécondité que celle de la chair. Vous savez comment Dieu nous rejoint : pas avec de grandes idées, de grandes choses mais avec notre liberté qui dit oui à Dieu, avec notre corps et nos gestes qui prolongent l’incarnation de Jésus et lui donne une humanité de surcroît. L’annonce de l’Évangile à ceux que vous avez déjà rencontrés ou que vous rencontrerez est un enfantement à une vie nouvelle, une vie pure, une vie joyeuse sans aucun autre attachement qu’à Jésus de Nazareth. Aujourd’hui, même avec votre jeunesse vous n’êtes plus une héritière. Vous rejoignez celles de vos sœurs qui bâtissent l’avenir à la suite des pionnières arrivées ici il y aura 200 ans en 2025. Soyez héritière et bâtisseuse de ce que vous deviendrez ensemble, sur ce lieu, au service des jeunes. C’est une bien belle manière de vouloir sa vie féconde que de la mettre au service de la réussite de projets collectifs. Je termine cette homélie sœur Joséphine en vous transportant à Lourdes où vous avez participé à notre pèlerinage diocésain. Bernadette Soubirous marche vers le presbytère de Lourdes. Elle se répète pour ne pas l’oublier ce nom que Marie lui a confié à l’intention de l’abbé Peyramale, son curé : « Je suis l’Immaculée Conception, je suis l’Immaculée Conception. » Merci Bernadette de n’avoir pas oublié ce nom que Marie t’avait confié. Comme nous, tu n’en saisissais pas toute la signification mais Marie te l’avait demandé pour que ces deux mots ne soient pas oubliés. Ils sont trop importants pour nous.

Abbé Gérard Nicole
Récit d’une participante (quelques extraits):
« Voici l’heure ! L’église du monastère est comble : des amis, des voisins, des connaissances sont arrivés des quatre coins de la Bretagne et de la Région parisienne…
Les sœurs montent en procession, notre émotion monte avec elles, un voile blanc parmi les voiles noirs, celui de Joséphine… Quinze prêtres prennent place autour de l’autel. L’Afrique et l’Occident réunis, dans l’Assemblée aussi. Belle fraternité.
Après le temps de la Parole où Marie est à l’honneur, le rite de l’appel prend place. Joséphine nous surprend par ses réponses d’une voix forte, affirmée et sûre ! Puis vient le rite de la lumière et de la Profession proprement dite : Joséphine s’agenouille et émet ses vœux… Puis elle revêt le voile noir, reçoit la règle et les Constitutions….
Place alors à la joie qui éclate, …le chant du Magnificat unissant nos voix Ce dernier accompagne Sr Joséphine qui va embrasser chacune des sœurs affectueusement. Joie spirituelle et joie humaine se conjuguent généreusement…
…L’Eucharistie se poursuit dans la ferveur et l’allégresse, communion, action de grâces. Puis nous sommes envoyés dans la Paix du Christ, nourris, fortifiés, ravis…Nous venons de vivre un moment bien singulier.. .
Deo Gratias pour la profession de Sr Joséphine, pour cette belle célébration, pour cette communion fraternelle ! ».