PSAUME 137 (136) « Près des fleuves de Babylone » …… « By the rivers of Babylon »
Pourquoi deux numéros ?
Les bibles courantes (Jérusalem, TOB, Bayard) utilisent la numérotation de l’hébreu, comme les juifs et les protestants, c’est le premier numéro, et le numéro de la Bible latine (Vulgate de saint Jérôme au 3ème siècle) est indiqué entre parenthèses.
La liturgie catholique indique d’abord le numéro de la Bible latine et celui de la Bible hébraïque entre parenthèses ! Donc dans ce cas précis : 136 (137). (Et tout cela parce que dans le texte hébreu, le Psaume 9 fusionne deux Psaumes et la différence de numérotation commence là).
Pourquoi choisir de réfléchir sur ce Psaume ?
Plusieurs raisons très différentes !
- C’est le seul Psaume, sur les 150, qui parle spécifiquement de l’exil à Babylone après la chute de Jérusalem et décrit les tourments du peuple hébreu pendant cette longue période (597 à 538).
- Il est l’un des Psaumes que l’Église ne chante pas en entier à cause de sa violence à la fin.
- Il a été mis en musique au fil des siècles ; il fut l’inspiration du Chant des esclaves dans le Nabucco de Verdi. Bob Marley l’a mis en musique et il est un tube international avec Boney M dans les années 70.
- Il est devenu un des chants de protestation dans la lutte des noirs, aux USA et en Afrique du Sud. Des salles entières et des chœurs d’enfants le chantent encore pour évoquer l’oppression !
Un Psaume de supplication
Le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas un Dieu débonnaire mais un Dieu de justice qui protège son peuple en rétablissant la situation des opprimés. La finale du Psaume est cruelle, mais nous chantons, lors de la veillée pascale, un Dieu qui libère son peuple en terrassant cheval et cavalier après avoir fait mourir les fils premiers-nés d’Égypte ! La première hérésie de l’histoire fut celle de Marcion qui refusait tout l’Ancien Testament et son Dieu cruel. Sans ce dernier verset le Psaume est juste nostalgique mais il y a plus dans ce texte : la douleur, la confiance et ce dans des circonstances où Dieu est le secours dans des situations limites. Lire ce Psaume est pour nous la possibilité de comprendre l’effroi de celui que ses ennemis brisent.
Écouter sur Youtube KTO TV, André Wénin, Les Psaumes violents, 17 juin 2018
Le psaume 136 commenté :
- Au bord des fleuves de Babylone
nous étions assis et nous pleurions,
nous souvenant de Sion ; - Aux peupliers d’alentour
nous avions pendu nos harpes. - Et c’est là qu’ils nous demandèrent,
nos geôliers, des cantiques,
nos ravisseurs, de la joie
« Chantez-nous, disaient-ils,
un cantique de Sion. « - Comment chanterions-nous un cantique de Yahvé sur une terre étrangère ?
- Si je t’oublie, Jérusalem,
que ma droite se dessèche ! - Que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je ne mets Jérusalem au plus haut de ma joie.
- Souviens-toi, Yahvé, contre les fils d’Édom, du Jour de Jérusalem, quand ils disaient :
« À bas ! Rasez jusqu’aux assises ! » - Fille de Babel qui dois périr, heureux qui te revaudra les maux que tu nous valus,
- Heureux qui saisira et brisera tes petits contre le roc !
Tristesse des Juifs exilés qui reçoivent de leurs geôliers l’ordre pervers de chanter des chants de joie sur leur capitale perdue.
Le Dieu de Babylone c’est Marmouk. Il semble avoir gagné, être plus grand que Yahvé et pourtant le peuple clame sa loyauté.
Appel à Yahvé pour qu’il se rappelle les souffrances, les démolitions violentes, les massacres et qu’il rétablisse la justice.
L’image des bébés écrasés (Os 14,1-9 …
Is 13,16…. Na 3,10) n’est pas nouvelle !
La violence dans la Bible a au moins le mérite de contraindre son lecteur à se confronter à ses propres images de Dieu (et à celles des autres) en mettant en évidence aussi bien celles qu’il refuse et que celles qu’il valorise. Il peut alors commencer à penser à ce que cela signifie pour sa propre humanité et pour sa façon de vivre et de croire au cœur des violences multiples auquel il se trouve mêlé (André Wénin (prêtre théologien belge) revue Projet 2004.