Des voeux ?
Le stylo pivote du pouce à l’index, 10 fois 20 fois… il hésite, il n’ose pas. Quels vœux formuler cette année ? Les formules habituelles, celles du passé, paraissent élimées, inconsistantes voire blessantes dans les circonstances que l’on connaît. « Bonne année, bonne santé ! », « Joyeux Noël ! ». Ça sonne drôle non ?
Le virus est devenu ce compagnon invisible qui ligote notre quotidien et ronge nos lendemains. En monde karen, nous n’échappons pas à la règle mais à une autre mesure car le virus n’est pas apparu chez nous ou si peu. Mais c’est au prix d’une lutte pied à pied. Quelques inconscients ont bravé les règles sanitaires et introduit le virus. Vite repéré, vite neutralisé, les systèmes sanitaires thaïlandais ont jusque-là réussi à maîtriser la propagation de la maladie.
Masques, gels, font partie de notre quotidien dès que nous nous rendons en ville. Dans les villages, où la mémoire des épidémies anciennes laisse des souvenirs et des habitudes, la prévention prend d’autres formes. Les remèdes varient. À Maeloui, on a entendu que le président américain parlait d’immuniser le corps avec un alcool comestible. « Mais nous on l’a ! » s’esclaffe Bouchripa. Allez hop on distille un bon alcool de riz, bien costaud, et un verre (ou deux !) avant chaque repas. Les enfants y ont droit. C’est pour la santé ! On aura un mal de chien à contenir la propagation de ce remède plus dangereux que le virus lui-même.
A Maesapao, on tient la formule miracle. Un vieux vieux remède dont un ancien, ordinairement assez amnésique, prétend se souvenir. La révélation tient du miracle. Un alliage subtil, une décoction sans faille d’un mélange d’une dizaine de plantes… Sorrymo s’y emploie et brasse les litres qu’on lui réclame. Mais ça prend un temps fou et c’est pas bien bon ! Peut-on y ajouter du miel ? Pas question, répond un sorcier informé. Sorrymo se lasse. Elle n’a plus le temps d’aller aux champs. Son grenier sera vide, avec ou sans covid, elle n’ira pas bien loin. La fabrication de la potion miracle est abandonnée.
A Maepo, on croit dur comme fer que Dieu préserve les Karens. On en a la preuve : il y a des Karens aux 4 coins de la planète et aucun n’a contracté le virus. Et Tonopa de continuer pour me convaincre : « Les Karens sont la 13ème tribu d’Israël. Une tribu cachée. » « Ben tiens et ton fils sera le sauveur avec tous ses zéros en classe ? » lui rétorque Koupimo !!! Tonopa a beau crier : « N’ayez pas peur ! », ce n’est pas l’effet Jean Paul II.
Heureux sommes-nous de pouvoir sourire ce cette situation !
Le virus ne pèse pas directement sur le quotidien des villages karens mais les conséquences sont réelles : chômage, inflation…Heureux sommes-nous pourtant d’avoir réussi à verser les salaires des tisserandes et couturières grâce au travail inlassable des volontaires Terres Karens, de nos amies expatriées de Esprit Karen à Bangkok !
À Bangkok encore, toute l’équipe expatriée « Giving tree » s’est démenée pour assurer un Noël joyeux aux enfants karens. 691 sacs cadeaux collectés !
Des amis thaïlandais permettent de distribuer 400 couvertures dans les villages au moment des froids de Noël.
Cet élan de communion stimule notre créativité et mobilise notre énergie. Heureux sommes-nous !
Il faudrait parler des projets mis en place cette année : les écoles soutenues par « Enfants du Mékong », les bourses étudiantes et l’énergie solaire appuyés par Awy, les amis de Francis et Nicole financent l’aménagement d’une maison pour une dame handicapée, la paroisse de Meursault permet la construction d’une chapelle à Maeloui, la communauté des Augustines de Gouarec soutient la pastorale des jeunes de Maesapao et leur bâtit un local, Esprit Karen a créé 3 bibliothèques et une amie discrète finance la construction d’une boulangerie communautaire à Maewe… et mille autres projets que votre générosité a permis.
Et nous parlons d’une petite année car nous devons fonctionner sans volontaire : les jeunes envoyés par les Missions Étrangères et les aînés qui sont ordinairement à nos côtés plusieurs mois de l’année.
Bon mais ce n’est pas le tout. Quels vœux pour cette année ?
Que l’amitié et la solidarité ne disparaissent pas avec le vaccin. Que la grâce de Dieu soit notre compagnon pas moins réel que la peur du virus. Mais la grâce, c’est quoi au juste ? Je me souviens d’un vieux missionnaire qui nous interdisait d’employer ce mot « Trop abstrait » disait-il. Peut-être la grâce de Dieu est-ce cette force mystérieuse qui nous empêche de renoncer nous évitant de dire « J’ai plus envie ! » ?
Oui une année de grâce à chacun de vous.
Avec mon amitié priante. Prenez soin de vous !
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