La Toussaint fait partie des principales fêtes du calendrier liturgique chrétien : c’est la fête de tous les saints, qu’ils figurent ou non au calendrier.
Le 2 novembre est dédié à la commémoration de tous les fidèles défunts des familles et donnait l’occasion de faire un tour au cimetière pour fleurir les tombes. Mais cette tradition a tendance à s’estomper et c’est bien souvent le jour de la Toussaint, jour férié, que les tombes sont désormais fleuries.
Cependant la mort continue de fasciner et semble irrémédiablement enracinée dans le paysage et la culture bretonne.
En découvrant récemment l’enclos paroissial de Saint-Gilles-Pligeaux (relais de la paroisse de Saint-Nicolas-du-Pélem) j’ai été particulièrement surpris par les deux catafalques magnifiquement restaurés, comme l’ensemble de l’église d’ailleurs. Le catafalque est une estrade surélevée sur laquelle on posait le cercueil.
L’un de ces catafalques, richement décoré, porte des inscriptions en breton :
« Ur sonj santel ha mad eo pidi evit an anaon » (c’est pieuse et bonne pensée de prier pour les trépassés),
« Hire dime, varchoas dide » (aujourd’hui c’est moi, demain c’est toi).
La mort est alors utilisée comme une occasion privilégiée d’interpeller, d’instruire et de convertir. Les derniers catafalques de ce type ont été utilisés pour les obsèques dans les années 1980.
On ne peut évoquer le culte de la mort sans citer l’Ankou qu’Anatole Le Braz surnomme « l’ouvrier de la mort. » Il s’agit d’un squelette portant une faux dans la main droite et une bêche dans la main gauche. On peut découvrir ce type de statue dans l’église de Ploumiliau près de Lannion. On retrouve également des représentations de l’Ankou sur le granit des églises, à l’extérieur, comme à Bulat-Pestivien.
Dans notre proche région nous avons le privilège d’avoir deux des derniers ossuaires bretons qui ont conservé les ossements des morts : celui de Lanrivain et celui de Trégornan. Ce dernier, de style néogothique porte l’inscription « Requiescant in pace » (Qu’ils reposent en paix).
Ces traditions semblent appartenir à une autre époque alors que certaines ont moins d’un siècle comme la prise en compte des mourants.
Yann Celton, historien, auteur de l’Église et les Bretons, insistant sur l’importance de l’extrême-onction pour les mourants autrefois, fait remarquer : « Les pratiques autour de la mort comme veillées, prières, rappels réguliers des défunts en de multiples circonstances, se sont évanouies après la deuxième guerre mondiale.
La mort se fait plus distante : le défunt est retiré au loin dans une maison funéraire, confié aux bons soins de professionnels, non plus des femmes du village. L’exode rural aidant, le monde moderne éradique, en Bretagne comme ailleurs, des traditions séculaires.
Dans les années 1960 on aspirait à connaître une bonne mort qui devait laisser le temps de se préparer à comparaître devant Dieu. Depuis quelques décennies on remarque une tendance de plus en plus affirmée à désirer une belle mort c’est-à-dire une fin rapide, exempte de souffrances et d’angoisses métaphysiques. Ce changement d’attitude est révélateur de profonds bouleversements. »
Martial Pézennec, Glomelois de naissance, dans son ouvrage De mémoire vive écrit : « Habituellement la famille faisait appel au recteur de la paroisse pour venir donner l’extrême-onction au malade en phase critique, lequel souhaitait se mettre en règle avec Dieu avant le grand départ. Confession et pardon accordé le préserveraient tout au moins des flammes de l’enfer avec l’espoir d’être accueilli par saint Pierre au paradis.
La mort a toujours revêtu chez nous un caractère sacré, source de chagrin et d’expression de notre attachement envers les familles en deuil, à qui nous exprimions ainsi le respect que nous portons au disparu et nos sentiments d’amitié pour sa descendance. »
En conclusion écoutons le pape François : « Au mois de novembre la liturgie nous invite à la prière pour les défunts. N’oublions pas ceux qui nous ont aimés dans la foi ainsi que ceux qui sont oubliés : offrir une messe à l’occasion de la célébration eucharistique est la meilleure aide spirituelle que nous puissions offrir à leurs âmes. »