La dignité de l’homme source de la pensée sociale de l’Église sur le bien commun
À la source de la pensée sociale de l’Église est la ressemblance de l’homme avec Dieu, et donc la dignité fondamentale et non négociable de toute personne humaine, quelle qu’elle soit, dans toute la variété de sa vie.
Nous le chantons : « Tout homme est une histoire sacrée, l’homme est à l’image de Dieu. » Autrement dit, la personne ne peut être soumise à des projets de caractère économique, social et politique imposés par quelque autorité que ce soit, même la loi du marché.
De ce principe fondateur découle l’ensemble des principes de l’enseignement social de l’Église pour la société, à commencer par la recherche du bien commun c’est-à-dire « l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur plein épanouissement. » (Mater et Magistra, Jean XXIII)
Ces conditions regroupent bien des domaines et notamment : l’eau, l’alimentation, le logement, le travail, l’éducation, l’environnement, les transports, les soins, la culture, la religion.
Les données quantitatives suivantes suggèrent bien l’importance de cette notion du bien commun dans les encycliques sociales.
Dans la première encyclique sociale, Rerum novarum de Léon XIII (1891), le « bien commun » est cité cinq fois. Chez Pie XI, dans Quadragesimo anno (1931), vingt fois. Chez Jean XXIII (l’un de ceux qui le cite le plus souvent), la notion de « bien commun » est citée trente fois dans Mater et Magistra (1961), et quarante-quatre fois dans Pacem in terris (1963). Un peu moins chez Paul VI : cinq fois dans Populorum progressio (1967), huit fois dans Octogesima adveniens (1971). Chez Jean-Paul II, on voit à nouveau l’importance du bien commun : neuf fois dans son encyclique sur le travail, Laborem exercens (1981), douze fois dans l’encyclique sur le dévelop- pement, Sollicitudo rei socialis (1987), quatorze fois dans la grande encyclique qui fait une synthèse de toute la doctrine sociale, Centesimus annus (1991). Enfin, chez les deux derniers papes : chez Benoît XVI, dix-neuf fois dans Caritas in veritate (2009) et chez le pape François, vingt-neuf fois dans Laudato si’ (2015) sur l’environne-ment.
La recherche du bien commun implique :
1) le principe de la destination universelle des biens
L’Église est en faveur de la propriété privée, mais le fait de posséder quelque chose donne la responsabilité de son usage. En effet, l’homme « ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appar tenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres. » (Gaudium et Spes, fin du Concile Vatican II – décembre 1965)
Cette notion de destination commune des biens, dont le possesseur est le gérant pour en faire bénéficier l’ensemble, est radicalement différente du système libéral et même de notre Code civil où les biens appartiennent sans réserve au propriétaire. (Art. 544 pour être précis !)
« Les biens de production – matériels ou immatériels – comme des terres ou des usines, des compétences ou des arts, requièrent les soins de leurs possesseurs pour que leur fécondité profite au plus grand nombre. » (Catéchisme de l’Église catholique 2435)
2) le principe de l’option préférentielle pour les pauvres
Ce qui permet de juger de la préoccupation du bien commun de tous est l’attention particulière pour les pauvres. Si la formule est récente dans l’Église, avec Jean XXIII et Jean-Paul II, et nous vient d’Amérique latine dans les années 70, reprenant ce que Jésus a dit : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40) : l’Église rappelle cette obligation.
« Ne pas partager nos biens avec les pauvres, c’est les leur voler, et les priver de leur vie. Les biens que nous possédons ne sont pas à nous mais à eux. » (saint Jean Chrysostome 5ème siècle)
« Ce n’est pas de ton bien, affirme ainsi saint Ambroise (même époque), que tu fais largesse au pauvre, tu lui rends ce qui lui appartient. Car ce qui est donné en commun pour l’usage de tous, voilà ce que tu t’arroges. La terre est donnée à tout le monde, et pas seulement aux riches. » (Cité par Paul VI dans Populorum progressio)
Conseils de lecture :
D’un monde à l’autre, le temps des consciences : de Frédéric Lenoir et Nicolas Hulot – Éditions Fayard
La Communion qui vient : de Waeles, Giuliani et Colrat – Éditions du Seuil
Catholiques de tous les partis, engagez-vous : de Clotilde Brossollet – Éditions Mame, et je la cite pour terminer :
« L’enseignement social de l’Église répond aux problématiques de chaque époque et aux questions des hommes en leur offrant dans la permanence de ses principes, l’espérance de pouvoir construire une société plus juste et plus solidaire.
La doctrine sociale ce sont l’or, l’encens et la myrrhe donnés au monde. »