Mardi 4 mai, 16 heures, « le comité de rédaction » du bulletin paroissial débat : quelles seront les propositions d’articles pour le mois de juin ?
Après un bel échange, constructif et très cordial, comme à l’accoutumée, sur l’ensemble des sujets à aborder, il est convenu qu’une page serait consacrée à l’histoire des pardons. Afin de récolter quelques témoignages, je lance, quelques heures plus tard, une consultation par le biais d’un réseau social sur Internet. Surprise ! Le sujet intéresse bien au-delà des cercles habituels des participants aux pardons. Essayons ci-dessous de retranscrire au mieux les diverses expressions reçues en les appuyant sur quelques réflexions personnelles.
Un lieu
Trente personnes ont répondu spontanément à l’enquête. Chacune cite un lieu de rassemblement et insiste sur l’importance mémorielle de celui-ci. Une foule s’y rassemble et suit un cheminement où la beauté de l’ensemble et la joie qui en émanent sont systématiquement rappelées.
La carte de notre secteur pastoral se dessine, sur Internet, avec un vaste circuit des pardons.
Se rendre au pardon c’est espérer par avance, parfois même être certain, d’aller à la rencontre du « beau » et de « la joie ». La beauté du lieu avec une église ou une chapelle, une fontaine, une procession avec ses couleurs, « des gens endimanchés », le feu. La joie de retrouver une fa- mille, des enfants du même âge, une ambiance, une fête religieuse qui dé- bouche inévitablement sur une fête profane.
Un temps particulier
Certains parleront de « rituel », « d’un merveilleux rassemblement de paix », de « souvenirs d’enfance ». Le chant « à pleine voix » et en breton est particulièrement évoqué comme une force, « un hymne local connu des croyants comme des non-croyants ».
Vivre le pardon c’est accepter de suivre un parcours codifié tout en se laissant porter par une musique, une langue, une culture. Les plus jeunes vont découvrir « le rite » par immersion bien plus que par une leçon qui serait à apprendre. On pourrait sans doute parler d’une catéchèse active. La connaissance des
aînés est transmise simplement sans discours particulier. Le silence se découvre, le cantique rassemble la communauté, la marche donne du mouvement, le feu fascine.
La rencontre d’une Parole
Au-delà de ce que les participants expriment à l’intérieur du lieu de culte, il y a indéniablement la rencontre d’une Parole. Il y a aussi ce qui reste de l’expression du prêtre « pardonneur », ce que l’on en comprend et ce qui en est ensuite rappelé. « Celui-là parle bien », « Son sermon était beau ». Ceci contribuera largement à ce que l’on puisse dire « Kaer e oa ar pardon ! ».
Rencontrer une Parole le jour du pardon c’est se rendre disponible à l’écoute attentive, se laisser toucher par les mots, les garder en mémoire.
Des rencontres
Le pardon est une pleine journée de fête. Les rencontres s’enchaînent, retissent les liens et en créent de nouveaux. Beaucoup parlent d’un repas de famille et sont encore capables parfois d’en donner le menu qui peut être immuable. C’est aussi le temps du jeu après les vêpres, avec les friandises et les quelques pièces que glisse une grand-mère parce que l’on a été suffisamment sage en assistant à la messe du matin.
C’est donc bien la totalité des rencontres qui va en définitive permettre le lieu d’un brassage humain (« melting-pot » en anglais) et favoriser sans doute la constitution d’une culture commune. Il n’est plus possible dès lors de dissocier la partie religieuse de la partie profane, c’est un tout, l’une ne pouvant vraiment fonctionner sans l’autre.
Nos paroisses du Centre-Bretagne ont débuté, depuis le mois de janvier, la longue liste des pardons. Certains attirent encore une assemblée bien fournie, d’autres semblent un peu en déclin, quelques-uns se renouvellent et se refont une nouvelle jeunesse.
Et si cette année nous décidions de nous remettre en route vers ces lieux où le temps est particulier et les rencontres si nombreuses ?
Et déjà, nous vous attendons !
* Kaer e oa ar pardon ! / « Beau était le pardon ! »