Jeanne-Marie, le retour …
Ne vous fiez pas au titre : il ne s’agit pas de la reprise d’un film à succès ni de la nouvelle saison d’une série télévisée.
Notre héroïne peut garder la chambre sans ordonnance et rester joug contre joug avec sa voisine. Elle est vêtue d’une robe longue, a le cerveau bien fait, les épaules solides, la lèvre inférieure charnue et la panse pleine. Le cœur battant, elle peut éprouver des sentiments contradictoires : la joie pour les baptêmes et les mariages, le chagrin pour les deuils.
Parties de la cloche :1. joug,
2. anses,
3. cerveau,
4. épaule,
5. robe,
6. panse,
7. pince,
8. lèvre inférieure,
9. battant,
10. faussure.
Si Jeanne Marie affiche 830 Kg sur la balance, elle n’est pas, pour autant, en surcharge pondérale. Vous l’avez peut-être deviné : il s’agit de l’une des cloches de la collégiale de Rostrenen.
Pourquoi parler de cette cloche aujourd’hui ? Elle avait une fissure dans la fixation et a dû être déposée pour une soudure. L’entreprise Macé de Guingamp, spécialisée dans les métiers liés aux cloches et horlogeries d’édifices, a effectué la réparation et en a profité pour changer le joug. Les deux campanistes ont réinstallé la cloche en toute sécurité.
Le même travail a été réalisé sur l’une des cloches de l’église de Plounévez-Quintin par cette entreprise.
Ces interventions ont été décidées lors des réunions des conseils municipaux des deux communes.
Jeanne Marie, fondue à Villedieu-les-Poêles (50), a été baptisée en 1899, sous le pontificat de Léon XIII (1878-1903) connu pour son encyclique Rerum novarum, première encyclique sociale souvent citée par ses successeurs. Sur la cloche apparaît aussi le nom de Mgr Fallières, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier de 1889 à 1906, qui avait succédé à l’évêque rostrenois, Mgr Bouché et l’abbé le Péchoux, curé doyen de la paroisse
En souvenir du prélat c’est son frère, Jean-Hubert Bouché, banquier à Pontivy, qui offrit généreusement la couronne de Notre Dame, œuvre émanant probablement de l’orfèvrerie Desury de Saint-Brieuc.
Avec Marie Le Treut, il offrit également la cloche Jeanne Marie.
A la collégiale un escalier à vis donne accès à la tour, le 4ème étage correspond à la chambre des cloches et contient actuellement trois grosses et deux petites. Trois des quatre cloches d’origine furent fondues à la Révolution, essentiellement pour faire des canons, la quatrième, bénite le 8 avril 1607, toujours en place porte l’inscription suivante : » Faite en may 1604 estée passée par feu et flambe. Le nom de Dieu je loue et je chante « (Cf « La collégiale de Rostrenen » par G. Corlay, M. M. Le Baquer, J.P. Rolland).
La bénédiction est le terme officiel utilisé dans le cérémonial mais en langage courant on parle de baptême des cloches car la cérémonie concernant cet objet de culte ressemble au baptême d’une personne avec la présence d’un parrain et d’une marraine. Autrefois, la cérémonie était calquée sur celle du baptême avec le rite de l’eau, l’onction avec le saint chrême, la cloche était revêtue d’une robe blanche, mais depuis Vatican II, on parle plutôt de « bénédiction ».
La société française de campanologie fait remarquer : « Née d’une alchimie complexe de la terre et du feu, la cloche convoque à l’assemblée chrétienne, accompagne la célébration des offices religieux et rythme les étapes de la vie de la communauté monastique ou paroissiale. Elle rassemble les vivants dans le sentiment d’appartenir à une communauté bien identifiée. »
Joël Le Biavant