Chaque année, lors des festivités de la mi-août, le grand pardon de Notre-Dame-du-Roncier nous rappelle que Rostrenen s’est établi autour de sa collégiale. Le cantique de Notre Dame nous redit combien, vers 1300, la découverte du buste va influencer le culte rendu ici envers celle qui, pour manifester sa présence, choisit de faire fleurir un rosier au creux même de l’hiver. Tout au long des âges, les pèlerins ont su transmettre le flambeau de génération en génération.
C’est ainsi qu’en 2024, alors que le grand pardon et les fêtes associées voyaient affluer la foule, qu’un Dragon surgissait à Rostrenen !
Oui oui, vous avez bien lu, un Dragon aurait voulu participer aux fêtes du 15 août à Rostrenen. Peine perdue pour lui apparemment, il a simplement dû se résoudre à rebrousser chemin. Nul ne sait où il se trouve désormais. Peut-être simplement endormi. Méfions-nous cependant de cette bête-là, elle a plusieurs cordes à son arc.
Depuis bien longtemps les festivités de la mi-août n’avaient pas connu un tel succès dans la cité de Notre-Dame-du-Roncier. Dès le mardi, l’affluence au marché était particulièrement importante. Quelque chose se préparait, l’entrée en matière le montrait déjà, il fallait s’attendre à quelque chose de spécial. Le soleil, bien au rendez-vous cette fois, réchauffait les cœurs. C’est certain, il y allait avoir du beau.
Certes on pouvait entendre, ici ou là, quelques craintes. Comment caser en quelques heures tant d’animations religieuses et profanes ? N’allait-on pas favoriser la culture et déshabiller un peu le culte ? N’y aurait-il pas quelques mauvaises idées là-dessous ?
Mardi, un peu avant midi, la collégiale donnait toute sa place au buste de Notre-Dame. À elle seule, elle indiquait à qui voulait le comprendre que le 15 août était avant tout marial. Il est ainsi des évidences qu’on ne saurait oublier. Le rappeler remet tranquillement l’église au milieu du village.
Quand le soleil du mercredi allait terminer sa course du jour, un tout autre programme se déroulait peu à peu. Un mélange aux contours improbables prenait forme. Une recette à la sauce rostrenoise commençait à prendre. À chacun d’en apprécier les saveurs, à tous la possibilité de participer largement au plaisir d’être ensemble. Défilé du cercle celtique dans les rues, cloches sonnant à la volée, odeurs de barbe à papa, musiques de manèges tonitruants, procession émouvante aux dires de certains, feu d’artifice magnifique, des sourires, des embrassades, de la lumière qui brille jusque tard dans la nuit. S’il fallait ramasser tout cela en un seul mot, la joie serait sans nul doute à même d’en faire un bon résumé.
Dimanche matin, voici que le Dragon se fit entendre. Il se nichait en fait, en portant la majuscule, au creux des versets de l’apocalypse.
Il fallait alors comprendre, on nous l’expliqua fort bien, que sa majuscule il la devait à l’importance de nos combats intérieurs. De la diversité ne faisons pas des différences insurmontables, recherchons toujours la concorde, la fraternité.
Acceptons que, d’une même racine, des pousses aux apparences si étranges puissent partir d’un même tronc. Il en faut des couleurs parfois dissonantes pour que le tableau soit du plus bel effet. On ne colle pas son nez à l’œuvre qui se construit. On préfère prendre un peu de distance et les choses se dévoilent plus clairement. L’important n’est-il pas de rassembler, de permettre les rencontres, en une formule, de construire des ponts ? À Rostrenen, comme ailleurs, les rives d’un même peuple ne demandent qu’à se retrouver. Le 15 août a certainement permis de mobiliser de belles énergies et d’embellir notre été un peu maussade par ailleurs. Quant au Dragon il me semble bien qu’il ait reçu à cette occasion de bons coups d’humilité sur le coin de son bec de Dragon.
Musiques, chants et participation fervente en la collégiale ont réaffirmé, s’il en était besoin, que Marie savait accueillir toutes les personnes qui allaient à sa rencontre. Sommes-nous seulement de ceux qui font les premiers pas vers cette rencontre ? Marie n’est-elle pas plus justement la Première en chemin ? Le Dragon, elle peut en faire son affaire ou nous apprendre à en déjouer les pièges.
Il fallait donc que ce 15 août nous rappelle qu’il n’est pas si simple, au premier abord, de nous tenir à distance de querelles futiles tout en étant suffisamment attentifs à ne pas accepter ce qui ne nous correspond pas vraiment. Les combats peuvent nous sembler durs et sont souvent proposés à des équipes parfois bien inégales. Les efforts à fournir sont intenses certains jours, l’épuisement peut se faire sentir… Et pourtant, ne baissons pas la garde, à y regarder de plus près, il se pourrait bien cependant que, ici comme en bien d’autres lieux, de nombreuses personnes de bonne volonté soient bien disposées à écrire dragon avec un « d » minuscule. Merci à tous et à chacun.