Prédicateur, homme de prière et d’action, saint François de Sales (1567-1622) fut aussi un magnifique écrivain, comme en témoignent ses ouvrages, mais aussi son abondante correspondance
Saint François de Sales est connu pour son ouvrage célèbre Introduction à la vie dévote, l’un des chefs-d’œuvre de la spiritualité catholique. On sait moins que ce livre est le fruit d’une abondante correspondance. En effet, durant toute sa vie, l’évêque de Genève a rédigé et envoyé environ 2000 lettres pour guider ceux qui recherchaient sa direction spirituelle mais qui n’avaient pas la possibilité de le rencontrer régulièrement.
Les personnes qui écrivent à saint François sont à la recherche de conseils pour apprendre à mieux connaître le Christ et développer une vie de prière. C’est une démarche personnelle et volontaire. L’intention des épistoliers est d’avancer sur le chemin de la dévotion.
2000 lettres pour guider sur le chemin de la foi
Le terme dévot est très utilisé à la fin du XVIe siècle. Être dévot signifie être comme amoureux de Dieu, chercher à l’aimer toujours davantage, se mettre à sa disposition. François définit le caractère de la vraie piété à l’une de ses correspondantes : « Vous ne devez pas seulement être dévote et aimer la dévotion, mais vous devez la rendre aimable, utile et agréable à chacun. […] Il faut, tant qu’il est possible, rendre votre dévotion attrayante. »
La joie de vivre est une caractéristique de la vie dévote, et elle imprègne toute la correspondance de François, spécialement les lettres adressées aux âmes qui sont dans l’épreuve. Pour l’évêque de Genève, la vie dévote doit être allégresse et promptitude à faire le bien. À la lecture de sa correspondance, on découvre les deux piliers de la vie spirituelle selon François : douceur avec le prochain et humilité avec Dieu, ceci afin d’imiter Jésus en tout, lui qui disait : « Je suis doux et humble de cœur» (Mat 11, 29).
Grâce et poésie unies à la piété
Cette correspondance révèle un écrivain talentueux, qui a mis sa plume au service de Dieu et de ses contemporains. Son style est rempli d’imagination ; il unit la grâce et la poésie à la piété. Ses lettres sont marquées par une bonhomie, un enjouement, une simplicité aimable et spirituelle. Comme l’ont dit plusieurs de ses biographes, François est un saint littéraire. Son style simple, naturel, très imagé, rend sa spiritualité facilement accessible.
Il utilise notamment des comparaisons ou des métaphores tirées de la nature et de l’expérience humaine, en particulier conjugale et familiale. Cette simplicité est une véritable nouveauté pour l’époque, où les textes de spiritualité étaient souvent enrichis de savantes références, citations grecques et latines, qui pouvaient rebuter ou effrayer les lecteurs. Ainsi, François parle à chacun de ce qu’il connaît, dans un langage limpide. Il utilise un ton de camaraderie qui illumine les lettres et réjouit le cœur du lecteur. Sa douceur proverbiale transparaît partout. Il n’hésite pas à appeler ses correspondants de noms affectueux : « Bonsoir ma très chère sœur, ma fille. »
Une infinie délicatesse
François termine régulièrement ses lettres par des phrases fortes et profondes qui peuvent avoir valeur de maximes : « Craignons Dieu et nous ne craindrons point autre chose ; aimons Dieu et nous aimerons toutes les autres choses. » François sait doser et orienter ses conseils selon l’état de vie de son interlocuteur. Il encourage, console, exhorte tour à tour avec une infinie délicatesse. Une de ses correspondantes se désole de ne plus pouvoir faire oraison à cause d’une grave maladie qui l’oblige à rester alitée. Il lui répond alors de ne pas se tourmenter pour si peu et la console en lui écrivant : «Il vaut mieux être sur la croix avec Notre-Seigneur que de la regarder seulement.» Il recommande à une autre de ne pas vivre pour des gloires ou des appétits éphémères, mais de vivre pour la vie éternelle :
« Vivre, c’est respirer en Dieu, expirer en Dieu »
La correspondance de saint François de Sales témoigne de son charisme de directeur de conscience, mais aussi de son souci des âmes et de sa fine connaissance de la nature humaine. Comme l’écrit le Père Ravier, le mélange subtil d’intimité familière et de très haute spiritualité qu’on découvre à la lecture de ces lettres est vraiment la caractéristique du style salésien. Pour le catholique du XXIe siècle, ces lettres constituent un vrai trésor ; elles nous font profiter des conseils et recommandations d’un des plus grands directeurs spirituels de l’histoire du catholicisme.
Thérèse Puppinck
Thérèse Puppinck est historienne.
Article publié dans France Catholique N°3841 du 19 janvier 2024