Il y a 50 ans le concile Vatican II leur ouvrait la porte.
Les prêtres ouvriers, plus tard qualifiés de prêtres au travail, sont des prêtres de l’Eglise catholique insérés dans la vie professionnelle.
Au cours de la seconde guerre mondiale de nombreux prêtres sont mobilisés. Ils sont confrontés au quotidien de la guerre (camps de prisonniers, de déportation, résistance, S.T.O).
Ce mouvement des prêtres ouvriers, initié dans les années 1940, fut qualifié par le Dominicain Marie-Dominique Chenu du « plus grand évènement religieux depuis la Révolution française. »
En 1952, Gilbert Cesbron popularise le mouvement, tout en l’idéalisant sans doute, avec son best-seller « Les saints vont en enfer. »
Après-guerre, l’expérience en usine va être pour eux un moyen de rétablir le contact avec l’Eglise et les ouvriers. Très engagés dans l’action syndicale, ils participent aux grèves.
1954, c’est le terrible hiver où l’abbé Pierre lance son célèbre appel en faveur des sans-logis. Dans le contexte de la guerre froide, le pape Pie XII décide d’arrêter l’expérience et demande aux prêtres de se retirer des usines, craignant leur imprégnation par le parti communiste très influent à l’époque. Ils sont alors une centaine. La plupart démissionnent de leur emploi mais quelques-uns refusent d’obéir.
1965, il y a donc 50 ans, après le concile Vatican II, le pape Paul VI autorise à nouveau les prêtres ouvriers.
Ils sont alors organisés sous la responsabilité de la Mission ouvrière.
En 1976, ils sont 800. Ce mouvement va avoir une certaine influence sur la théologie de la libération en Amérique latine.
Aujourd’hui dans notre diocèse, ces prêtres sont en retraite.
Dans notre zone pastorale, nous avons le privilège d’avoir l’un d’entre deux, le père Job Le Fell qui officie encore régulièrement, rendant ainsi de grands services à nos paroisses.
Nous lui avons posé quelques questions, il a gentiment accepté de nous répondre.
Comment et pourquoi cette vocation de « prêtre au travail » ?
Après 12 ans dans l’enseignement à Campostal (1962-1974), j’ai eu envie de vivre autre chose. J’ai gardé un excellent souvenir de cette époque : relation avec les élèves, avec les parents, les collègues laïcs, les confrères prêtres (nous étions encore une quinzaine de prêtres au collège + 3 ou 4 religieuses).
Alors, pourquoi ? On ne peut pas parler de « vocation ». Mais il y avait eu mai 68 ; l’ambiance et les mentalités avaient changé un peu. Je souhaitais vivre plus près des gens en partageant un peu leur vie de tous les jours. Et puis, en plus j’avais toujours eu une attirance pour l’électronique…
Alors voilà j’ai dit au père Radenac, le Supérieur de l’époque et à l’évêque que je souhaitais faire l’expérience de « prêtre au travail » et très paternellement ils ont accepté !
Quel a été ton parcours ?
Eh bien, pour être « prêtre au travail », il fallait connaître un métier… savoir faire quelque chose ! Je passe donc, avec succès, une sélection pour aller préparer un diplôme de « technicien radio télé hifi etc… » dans un centre de FPA (Formation Professionnelle des Adultes). Ensuite, il n’y avait plus qu’à attendre une place de libre quelque part. Je travaille pendant un an comme « mousse » chez M. et Mme Caillebot, « électricité, radio, télé, ménager », à Rostrenen. Un jour je reçois un courrier me proposant une place au centre FPA de Lomme près de Lille… OK ! J’accepte, et me voilà Nordiste pour 12 mois !
J’ai 40 ans, je suis le doyen de la promotion… On bosse très fort, on fait des indigestions d’électronique et de télé, l’ambiance est super. Puis me voilà armé d’un diplôme national d’ADRTV (agent de dépannage radio-télé). Retour à Rostrenen où pendant 22 ans j’ai dépanné radios, télés, petit ménager, posé des antennes, des paraboles et, de temps en temps, donné un coup de main à l’électricien sur les chantiers : 22 années de bonheur chez Jeannette et Yves Caillebot d’abord, puis chez Maryvonne et Jean Auffret ensuite. La clientèle s’étalait sur Rostrenen, Maël-Carhaix, Gouarec.
Et le prêtre dans tout ça ?
Pendant tout ce temps j’ai gardé de très bonnes relations avec tous les confrères prêtres du secteur. Les premières années je célébrais la messe tous les dimanches à Saint-Michel, puis, au fil des années, les paroisses se retrouvant sans recteur, j’allais célébrer l’Eucharistie là où le curé me le demandait. J’étais toujours invité et j’ai toujours pris part quand je pouvais aux réunions et aux rencontres fraternelles avec les confrères. Je continuais à faire partie du ‘presbyterium’.
Mes « clients » me connaissaient tous, ils savaient que ‘Job était un curé’ sans doute un peu différent des autres et puis il dépannait les télés. Ce métier m’a donné l’occasion d’aller dans 4, 5, 6, 7… maisons par jour pendant 22 ans. Je ne pense pas avoir converti qui que ce soit, mais j’ai eu souvent des échanges et recueilli des confidences que mon statut rendait plus spontanés et plus faciles.
On ne parlait pas qu’au dépanneur de la télé… On m’a souvent sollicité pour des baptêmes, des mariages, des obsèques. Quelles qu’aient été les convictions de ceux chez qui j’intervenais, l’accueil a toujours été amical. Je pense aussi avoir une fois ou l’autre contribué à débloquer des situations de ‘froid’ entre une famille et ‘l’Institution’ parce que dans le passé il y avait eu un ‘accrochage’ avec un recteur.
Mon expérience, sans prétention, (elle fut individuelle à la différence du mouvement des prêtres ouvriers plus structuré) m’a donné la chance de rencontrer beaucoup de monde, des gens très divers et d’avoir établi avec eux des complicités toute simples et peut-être d’avoir montré un autre visage de l’Eglise, plus proche de la vie réelle (???).
Déjà 21 ans que je suis en ‘retraite de la télé’. Pour ce qui est de l’Eglise, ce n’est pas encore tout à fait l’heure, ce qui me permet souvent de rencontrer d’anciens clients… Je les salue tous très amicalement.
Joël Le Biavant