Deux orthographes pour deux fêtes tellement liées qu’il a fallu attendre le XVIIIème siècle pour que la Pâque indique la fête juive et Pâques la fête chrétienne et, difficulté supplémentaire, « la pâque » désigne aussi l’agneau immolé pour la fête et saint Paul dit lui, en 1Co 5,7 « Christ notre Pâque a été immolé ».
Le mot Pâque(s) vient d’un mot grec « paskha » et de l’Hébreu « pessah » signifiant « passer ».
La Pâque juive (Pessah)
C’était la principale solennité d’Israël et, depuis le VIIème siècle, elle joignait deux rites de printemps, résultats de l’histoire du peuple d’abord berger et nomade (offrande de l’agneau) et ensuite sédentaire (offrande des premières gerbes).
Ces deux fêtes furent transformées en commémoration de l’événement fondateur du peuple : Yahvé faisant sortir le peuple d’Egypte Ex 12,1-40.
Cette nuit-là, chaque famille devait immoler un agneau et enduire les montants et les linteaux des portes de son sang et le Seigneur dit v13 : « Le sang vous servira de signe sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang. Je passerai par-dessus vous, et le fléau ne vous atteindra pas quand je frapperai le pays d’Egypte. »
« Ce jour vous servira de mémorial. Vous ferez ce pèlerinage pour fêter le Seigneur. D’âge en âge -loi immuable- vous le fêterez. Pendant sept jours vous mangerez des pains sans levain. »
Et, quelques versets plus loin, Moïse ajoute v26 « Quand vous serez entrés dans le pays que le Seigneur vous donnera, comme il l’a dit, vous observerez ce rite. Quand vos fils vous diront : qu’est-ce que ce rite que vous faites ? Vous direz : c’est le sacrifice de la Pâque pour le Seigneur, lui qui passa devant les maisons des fils d’Israël en Egypte quand il frappa l’Egypte et délivra nos maisons.»
Tout Juif devait en principe aller en pèlerinage à Jérusalem pour célébrer la Pâque, c’est ce que fit Jésus.
Lc 22,1 « Vint le jour des pains sans levain où il fallait immoler la Pâque. Jésus envoya Pierre et Jean : Allez préparer la Pâque que nous la mangions. » Les quatre évangiles situent la mort de Jésus à Jérusalem pendant la semaine de la fête et peut-être même sa mort au moment de l’immolation des agneaux au Temple.
Ils ne mentionnent pas le sacrifice obligatoire de l’agneau au Temple mais le dernier repas pris avec ses Apôtres est à situer dans ce contexte d’un repas très codifié avec bénédictions, coupes de vin et pains sans levain rompus.
Depuis la destruction du Temple, en 70 après JC, les offrandes d’agneau ne se font plus mais chaque famille organise encore un repas pour fêter Pessah, le seder.
En 15 étapes, avec des mets très précis et évocateurs, la famille va réfléchir à ce que sortir d’Egypte a voulu dire en termes de passage de l’esclavage à la liberté, les enfants vont poser les questions qui vont leur permettre de se situer à leur tour dans cette histoire de libération et les adultes vont réfléchir à leur vie actuelle avec la question « sortir d’Egypte c’est sortir de quoi ? » De l’esclavage à la liberté… quelle liberté ?
Et Pâques pour les chrétiens ?
Fête de la résurrection du Christ, commémoration de sa passion et de sa mort… Mystère pascal.
L’expérience vécue par les Apôtres, ancrée dans leur tradition pascale de Juifs pratiquants les a amenés à relire les événements de cette semaine avec les mots de ce qu’ils avaient de plus grand et de plus noble.
Une libération de l’esclavage d’Egypte pour l’Exode et avec Jésus un passage de la mort à la vie.
Le pape François, dans son message de carême, dit que : « Le grand mystère de la mort et de la résurrection de Jésus est la pierre angulaire de la vie chrétienne personnelle et communautaire. »
La Pâque de Jésus n’est pas un événement du passé : par la puissance de l’Esprit Saint, elle est toujours actuelle et nous permet de regarder et de toucher avec foi la chair du Christ chez tant de personnes souffrantes.
Mettre le mystère pascal au centre de la vie signifie éprouver de la compassion pour les plaies du Christ crucifié perceptibles chez les nombreuses victimes innocentes des guerres, dans les atteintes à la vie, depuis le sein maternel jusqu’au troisième âge, sous les innombrables formes de violence, de catastrophes environnementales, de distribution inégale des biens de la terre, de traite des êtres humains dans tous ses aspects et d’appât du gain effréné qui est une forme d’idolâtrie.
Que ce soit pour les Juifs ou les Chrétiens cette fête ne concerne donc pas le passé mais la présence de Dieu dans nos vies et sa force de transformation.
« Nous vous en supplions au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5, 20).