Installées à Gouarec depuis près de deux siècles, les chanoinesses de Saint-Augustin poursuivent leur mission auprès de la paroisse, des scolaires, des personnes âgées et handicapées.
Elle revient de quinze jours au Burkina-Faso, où elle a passé le nouvel an en manches courtes. Deux fois par an, sœur Anne-Marie Dauguet, douce et dynamique quinquagénaire, visite le monastère de Banfora dont elle est aussi la responsable. A Gouarec, en ce lundi pluvieux de janvier, retour aux affaires courantes pour la prieure du monastère des Augustines de la miséricorde de Jésus. Sœur Anne-Marie Dauguet prend des nouvelles d’une religieuse âgée, tombée, la veille au soir. Un médecin est à son chevet. Anne-Marie Dauguet sait que sa semaine sera dense, avec de nombreuses réunions pour la maison de retraite Saint-Joseph. Le monastère, construit en 1827, est enchâssé au centre d’un vaste domaine. A sa droite, un immense bâtiment récent abrite une Ehpad d’une capacité de 159 lits pour 130 employés. A gauche, un collège et un lycée, réputé pour ses formations médico-sociales. A côté, l’école primaire Saint-Georges. Plus haut, vers la chapelle Saint-Gilles, un nouveau foyer de vie vient de sortir de terre. Cette Maison Saint-Augustin accueille 30 adultes handicapés.
Pour chacune de ces structures, la prieure assiste aux conseils d’administration des associations qui les gèrent. Ce qui fait d’elle le plus gros employeur du canton ! A la fois prieure, chef d’entreprise, missionnaire… sœur Anne-Marie Dauguet est parfois prise de vertige. Aussi, estime-t-elle prioritaire de vivre toutes ses responsabilités au cœur de sa vie religieuse.
« Si mes journées ne commencent pas par l’oraison, si ma vie n’est pas d’abord enracinée dans la prière, ça coince ! J’ai toujours senti le soutien de ma communauté dans une mission parfois lourde. »
Et pour tenir dans sa vocation, sœur Anne-Marie, comme les 25 autres chanoinesses de Gouarec (de 40 à 94 ans), se remémore le « trépied » sur lequel repose sa vie canoniale : la vie de prière, la vie communautaire et le service de miséricorde.
Le monastère n’a pas de clôture, mais les Augustines s’engagent, en prononçant leurs vœux, à y rester toute leur vie. « Cette force que donne la communauté, c’est pour moi un petit miracle permanent. C’est bien le Seigneur qui nous rassemble, sans quoi nous aurions bien du mal à vivre ensemble », sourit sœur Anne-Marie. Chaque jour après le déjeuner en silence, elles se retrouvent dans la salle communautaire pour échanger des nouvelles. Le samedi, autour d’un goûter, place aussi à la discussion. Pour celles qui le souhaitent, le dimanche après-midi, on sort les jeux de société. Le soir, à nouveau, un temps communautaire. Retraite annuelle, journée mensuelle de récollection, assemblée communautaire, sorties annuelles… autant de temps qui soudent la communauté.
Autre pilier de la vie des Augustines : l’insertion paroissiale. Dans une paroisse sans prêtre résident, les religieuses jouent un grand rôle : équipes liturgiques, EAP, catéchèse. Le dimanche, quand il n’y a pas de messe à l’église paroissiale, c’est dans leur chapelle, ouverte sur la rue Saint-Gilles toute la journée, qu’est célébrée la messe par leur aumônier, le père Célestin Kapumbé. « Cela fait partie de notre vocation de chanoinesses d’être impliquées dans l’église locale. »
Implication paroissiale, mais aussi diocésaine : une équipe synodale s’est constituée au monastère, cinq religieuses font équipe avec des laïcs (catéchistes, employés, paroissiens). Sœur Anne-Marie est membre du conseil synodal. Une messe par mois est célébrée à l’intention du synode et les événements diocésains sont au cœur de leurs prières. En lien avec le Fonds saint-Yves, elles reçoivent les intentions de prière déposées à l’oratoire saint-Yves, à Tréguier. Sœur Geneviève sort un minuscule papier de sa poche : « J’en porte toujours une sur moi ; il y en a tant ! Des problèmes de divorce, de garde d’enfants, de voisinage ou au travail, des procès… »
Dernier volet de leur règle de vie : la miséricorde. Aux trois vœux que prononcent les consacrés (chasteté, pauvreté, obéissance), la Règle de saint Augustin en ajoute un quatrième : le service des pauvres et des malades par la miséricorde. A l’origine de la communauté de Gouarec, fondée le 18 août 1825 par six Augustines de Guingamp ? Déjà le soin des malades et l’éducation des filles. Près de deux siècles plus tard, les Augustines sont toujours aussi reconnaissables, avec leur habit blanc et leur voile noir. Elles œuvrent auprès des mêmes publics. A la maison de retraite, elles jouent un rôle d’aumônier. Sœur Marie-Reine, professe temporaire, travaille auprès des adultes handicapés de la Maison Saint-Augustin. Dans l’établissement scolaire aussi, la pastorale est assurée par une augustine.
Face au déficit de vocation, sœur Anne-Marie ne se décourage pas.
« Notre fidélité d’aujourd’hui donnera les réponses pour demain. Le Seigneur a guidé notre communauté depuis 1825… Nous continuons notre route, avec une communauté unie, en choisissant l’espérance, dans la charité et dans la foi. »
Aude Bracq
Article publié dans Eglise en Côtes d’Armor » de février 2016. La revue se vend au numéro (3,20 €) ou par abonnement (36 €)