Louis Le Mée, tourneur sur bois à Mellionnec, a passé le mois d’octobre en Thaïlande à la frontière de la Birmanie chez le peuple karen.
Avant de rencontrer le peuple karen, je suis passé à Bangkok où j’ai atterri. Je n’ai absolument pas apprécié cette ville de 13 millions d’habitants très polluée, très bruyante, une cité angoissante. Je ne suis pas allé et je n’irai jamais à Phuket et Pattaya ! Deux abominations pour « les plaisirs » des touristes.
En revanche, en arrivant chez les Karens, ce fut un changement radical de civilisation, bien loin de nos futilités à la française. Ce peuple vit dans une région montagneuse, souvent dans des villages situés dans la jungle, se répartissant entre le Myanmar ou Birmanie (5 millions) et la Thaïlande (350 000). La frontière est marquée par une rivière, la Moei River. J’étais au bord de cette rivière avec le Myanmar en face.
Les Karens ont été très durement persécutés par la junte birmane. Je passais régulièrement devant un camp de réfugiés karens du Myanmar, 65 000 personnes vivant au pied de la falaise dans des constructions en bambou avec des toitures en feuilles de palme. Ces réfugiés n’ont absolument pas le droit de sortir du camp. Un père va régulièrement y célébrer l’eucharistie ; il est accueilli très chaleureusement sous les applaudissements.
Sur cette route nous passons plusieurs checkpoints militaires. Les militaires sont au pouvoir en Thaïlande depuis deux ans. Habituellement, après un coup d’état, ceux-ci organisent des élections démocratiques au bout de six mois. Cette fois-ci, ils ont du mal à lâcher le pouvoir !
Les Karens sont les maîtres de la forêt. Les villages sont très communautaires. Pendant la saison des pluies qui dure 5 mois, ils vivent complètement en autarcie. Ils chassent, pêchent, cueillent et cultivent le riz en pleine jungle. J’ai vécu quelques jours dans un village accessible uniquement par la piste en saison sèche. Il y a des catéchistes et un chef des chrétiens qui organisent des réunions de prières. Ils ont l’eucharistie une fois par mois.
Karen est le nom donné par les Anglais au siècle dernier. Ils se nomment « Pakenyos » qui veut dire « Homme libre ». Les Pakenyos sont un peuple d’une très grande dignité, de belles personnes. Les Thaï et les Birmans sont à 90 % bouddhistes theravãda. Les Pakenyos sont animistes ou chrétiens. Ils ne s’intéressent pas au bouddhisme. C’est étonnant car ils viennent des hauts plateaux tibétains se situant en Chine. La plupart des minorités du sud-est asiatique, Mong, Aka, Pakenyo, etc…, ont quitté la Chine au 8ème siècle.
Durant mon séjour j’ai effectué un chantier d’électricité avec un couple d’amis retraités pour les MEP. Les missions étrangères de Paris (MEP) sont présentes depuis bientôt 400 ans en Asie. Chez les Pakenyos, ils réalisent un travail remarquable. Avec ce peuple, ils se battent pour défendre leur culture et leurs traditions ancestrales.
Ils les accompagnent pour éviter qu’ils se fassent broyer par la grande et abominable machine du consumérisme débridé à l’occidentale.
Un ami, le père Alain Bourdery, missionnaire chez les Pakenyos depuis 15 ans, m’a proposé de donner des cours de tournage sur bois en terre karene. Cette aventure d’un mois m’a permis de voir ce qu’il était possible de réaliser. Mais, il y a un problème : le bois est très protégé en Thaïlande. Fort heureusement !… Si l’on se fait arrêter avec quelques morceaux de bois dans son pick-up, on écope d’une forte amende. Notons que les Chinois sont en train de piller le Laos, le Cambodge et le Myanmar. Ils n’hésitent pas à exproprier par la force les populations. Au Myanmar, avec l’aide de la police, ils n’ont pas eu le moindre scrupule pour lancer des grenades au napalm sur des moines bouddhistes et des paysans qui manifestaient contre la spoliation de leur terre.
Le paysage thaïlandais est surtout une vaste plaine de rizières avec, de temps en temps, une petite montagne.
En conclusion, j’ai vécu une belle expérience et surtout j’ai apprécié les magnifiques rencontres.
Louis Le Mée.