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Fra Angelico – L’Annonciation (1437) – Couvent San Marco de Florence

L’Annonciation

Heureux, Marie et Joseph le resteraient toujours. Car dans les vies que Dieu occupe totalement, il ne se trouve plus de place pour la morosité, l’amertume ou cette tristesse selon le monde qui produit la mort[1]. Mais leur bonheur devait traverser tant de vicissitudes, de drames et d’épouvante ! Comment auraient-ils pu l’imaginer ?

L’événement qui chamboula leur vie devait se passer en un éclair. Il eut l’épaisseur d’un fugitif instant. Quelques secondes : il n’en fallut pas davantage au Tout-Puissant – béni soit son Nom – pour bouleverser l’existence paisible des jeunes époux et pour sauver le monde. Cet événement si extraordinaire ne s’accompagna d’aucune mise en scène grandiloquente, il sembla se couler le plus sereinement possible dans le cours ordinaire des choses. Comme si le Ciel et la terre s’étaient si intimement accoutumés l’un à l’autre que leur prodigieuse rencontre se déroulât sans tambour ni trompette, comme la chose la plus banale du monde.

Simplement, au jour dit, l’ange entra[2]. Point d’effraction ou d’effets spéciaux, il entra, tout bonnement. Par la porte, peut-être, et il était là, dans la maison de Marie, tel un familier, passant à l’improviste pour une petite visite surprise. À vrai dire ce ne fut pas cette intrusion soudaine qui effraya la jeune fille ; ce qui la troubla fort, ce furent les propos du messager céleste : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi[3]. » Ces mots lui rappelèrent le chant qu’elle avait entonné si souvent au temple de Jérusalem : « Fille de Sion, réjouis-toi, car le Seigneur est en toi, en vaillant Sauveur[4]. » Lorsque les jeunes élèves d’Imma Rachel reprenaient ce refrain, elles se mettaient à danser en tournoyant au son du tambourin, comme ivres d’un bonheur messianique. Elles étaient filles de Sion, de Jérusalem, la Ville sainte. L’une d’elles, peut-être bientôt, aurait la joie de porter en son sein le libérateur d’Israël, le Messie !

Marie connaissait par cœur cet oracle du prophète Sophonie. Elle aimait l’Écriture qu’elle méditait assidûment et qui nourrissait son âme. Ce qui surprit la Vierge, ce fut l’expression « comblée de grâce ». Sa mémoire ne parvenait pas à retrouver de quel livre biblique elle pouvait provenir. Il lui semblait ne l’avoir jamais lue ni entendue auparavant[5]. Elle se souvenait simplement avoir appris de ses maîtres qu’Adam et Ève avaient été créés dans une haute dignité, que Dieu les avait faits à peine moindre que des dieux[6], qu’il les avait modelés à son image et à sa ressemblance[7], mais que, par leur péché, nos premiers parents avaient perdu la grâce dont Dieu voulait les combler. Depuis qu’Ève avait prêté l’oreille au serpent, depuis qu’Adam avait mangé du fruit défendu, l’humanité déchue était privée de la grâce divine. Alors pourquoi donc l’ange avait-il interpellé Marie par cette formule étrange, « comblée de grâce » ? N’était-elle pas fille d’Adam, porteuse de cette disgrâce du péché ? Ces mots inouïs, « comblée de grâce », troublèrent fort l’humble Vierge, bien incapable de comprendre le profond secret dont ils étaient porteurs. Il faudrait des siècles de méditation croyante pour que l’Église y découvrît avec émerveillement le mystère de l’Immaculée Conception.

Ce qui étonna aussi Marie, ce fut la déférence avec laquelle l’ange lui adressa cette salutation. Un ton plein de respect à laquelle la jeune fille n’était guère habituée et que l’ange accompagnait d’une profonde inclination. Même Joseph, si doux et attentif qu’il fût avec son épouse, n’avait pas ce ton-là quand il lui parlait. Comment ce messager céleste pouvait-il montrer tant d’égards pour une pauvre créature cachée dans une grotte au fond du village le plus perdu d’Israël ? Comment ce familier du monde divin pouvait-il s’abaisser à ce point ? C’était le monde à l’envers. Marie en était toute retournée et elle faillit laisser tomber le fuseau qu’elle tenait en main et perdre tout son ouvrage.

L’ange s’en aperçut-il ? En tout cas, il entreprit aussitôt de rassurer la Vierge en délivrant son message : « Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin[8]. » Toute autre que Marie se fût évanouie de crainte, de bonheur, d’incrédulité, de vanité peut-être.

Mais l’épouse de Joseph ne prenait pas les paroles de l’ange pour des paroles en l’air. Elle savait qu’il parlait de la part de Dieu et, de tout son cœur, elle voulait se conformer à la volonté divine, si déroutante fût-elle. Avec le psalmiste, elle avait répété si souvent : « Ta loi, Seigneur, me tient aux entrailles ! Plus savoureuses qu’un rayon de miel, tes justes décisions, plus désirables qu’une masse d’or fin, tes volontés[9]. » Pas un instant Marie ne douta que le dessein de Dieu s’accomplirait. Elle avait le ferme propos de n’y mettre aucun obstacle. Sa parfaite obéissance n’était pas désintérêt, résignation ou passivité. Elle voulait au contraire entrer de plein cœur dans le plan de Dieu, or le cœur, au sens biblique, ce n’est pas seulement le sentiment ou la volonté, c’est aussi l’intelligence. Voilà pourquoi la Vierge ne craignit pas de questionner, non pour mettre en doute, mais pour entrer plus avant dans le mystère :

« Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais point d’homme[10] ? » interrogea-t-elle.

Bien sûr Marie était mariée à Joseph. Mais loin d’eux de contrevenir à la coutume d’Israël en commençant avant le temps à vivre sous le même toit. Or, sans relation conjugale, comment concevoir un enfant ? En outre, Dieu qui sonde les reins et les cœurs[11] connaissait le vœu que Marie avait fait de lui consacrer sa virginité. N’avait-il pas lui-même inspiré et agréé cette offrande de son humble servante ? Alors comment pouvait-il maintenant lui annoncer qu’elle allait concevoir un enfant ? Marie voulait comprendre. À sa requête légitime, le Seigneur répondit par la voix de l’ange :

« L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile ; car rien n’est impossible à Dieu[12]. »

Y a-t-il moyen de rien répliquer à cela ? Quelle autre solution est raisonnable sinon de se livrer au Maître de l’impossible ? Avec Dieu, on le sait bien, ce n’est jamais le chemin qui est impossible, c’est l’Impossible qui est le chemin. Aussi haut le ciel au-dessus de la terre, aussi élevées les voies de Dieu au-dessus de nos voies humaines. Il faut marcher, et d’un bon pas, prenant garde de tenir toujours fermement la main d’un si bon Père. Il n’est pas seulement celui qui nous aide de temps à autre, il est Celui qui nous guide infailliblement ! Rien n’était plus étranger à Marie que cet air accablé que prennent tant de gens lorsqu’ils évoquent la volonté de Dieu. Comme s’il s’agissait d’une corvée, ou comme s’ils craignaient quelques tuiles que le Créateur ne manquerait pas de faire pleuvoir sur leur tête. Quelle vision de Dieu est-ce là ? Marie ne consentait pas seulement au plan divin, elle l’épousait amoureusement, elle y adhérait non pas comme un instrument passif mais avec tout l’empressement de sa liberté et de sa foi ardente. Aussi fit-elle jaillir de son cœur le oui irrémissible qui devait déclencher l’énorme cérémonie de la Rédemption du monde :

 « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole[13]» répondit-elle à l’ange annonciateur.

Le colloque s’arrêta là. Comme s’il devait culminer en ce Fiat de Marie, comme s’il n’avait eu d’autre but que d’obtenir son acquiescement au salut du monde. À peine la Vierge avait-elle fini sa phrase que l’ange se retira, sur la pointe des ailes, si j’ose dire, comme il était entré, sans transport ni cérémonie. Ce qu’il y avait de plus merveilleux dans cette brève rencontre de l’ange et de Marie, c’était précisément son « naturel » si paradoxal. Tout s’était passé comme si de rien n’était. Comme s’il ne s’agissait pas de l’intrusion décisive de Dieu dans les affaires humaines. L’entretien n’avait duré que quelques minutes, à peine, et dans la discrétion la plus totale s’était joué le sort de l’humanité.

Marie resta là, heureuse et interdite. Déjà s’accomplissait en elle ce qui lui avait été annoncé. L’Esprit Saint la couvrait de son ombre. La Parole de Dieu prenait chair. Marie portait en elle le propre Fils de Dieu.

Extrait du livre « Marie de Nazareth » (Récits). Guillaume de Menthière . Editions Mame.

[1] Cf. 2 Corinthiens 7,10 : « La tristesse selon Dieu produit en effet un repentir salutaire qu’on ne regrette pas ; la tristesse selon ce monde, elle, produit la mort. »

[2] Luc 1,28 : l’évangéliste ne dit pas que l’ange apparut ou se manifesta, mais simplement qu’il entra ; la simplicité de ce verbe « entrer » est frappante.

[3] Luc 1,28.

[4] Cf. Sophonie 3,14-15.

[5] Cf. Origène : « Je dois ajouter quelques mots sur la formule employée par l’ange pour saluer Marie, formule nouvelle que je n’ai pas pu trouver ailleurs dans toute l’Écriture. Voici ces paroles : “Salut, pleine de grâce ! ”, ce qui en grec se dit kecharitôménè. Où aurais-je pu lire cela ailleurs dans l’Écriture ? Je ne m’en souviens pas. Jamais cette formule ne fut adressée à un homme : “Salut, plein de grâce.” À Marie seule cette salutation était réservée » (Homélies sur saint Luc, VI, 7, « Sources chrétiennes », n° 87, p. 149).

[6] Cf. Psaume 8,6.

[7] Genèse 1,26.

[8] Luc 1,30-33.

[9] Cf. Psaume 40,9 ; 19,10-11.

[10] Luc 1,34.

[11] Cf. Jérémie 17,10 ; Psaume 139,23 ; Apocalypse 2,23.

[12] Luc 1,35-37.

[13] Luc 1,38.

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Février 2021

Marie et Joseph emmènent Jésus au temple pour le présenter au Père et qu’il lui soit consacré.

C’est guidé par l’Esprit que Syméon reconnait Jésus !
Seigneur, nous te rendons grâce pour les hommes et les femmes qui te consacrent leur vie.
Seigneur, que l’Esprit ouvre les cœurs et aide à discerner la vocation à laquelle tu appelles chacun de tes enfants.

Nous te confions plus particulièrement aujourd’hui ceux que tu appelles à une vie consacrée.

AMEN

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