Frères et sœurs,
Lors d’une discussion amicale, un non-chrétien disait à son ami catholique pratiquant : « De toute façon, de votre part, plus rien ne nous étonne, vous nous avez habitués à toute sorte de scandales depuis des siècles. Depuis la naissance de votre Dieu, dans une mangeoire, sa passion, pis encore sa mort ignominieuse sur une croix au milieu de deux bandits, ajoutez à tout cela tout le bazar qu’a connu l’Église les siècles derniers et encore aujourd’hui : divisions, schismes, désordres moraux, … »
Ces propos beaucoup plus agressifs, médisants, moqueurs… qu’amicaux, ne peuvent pas ne pas indigner de nombreux chrétiens qui s’efforcent d’être toujours plus vertueux, plus utiles à la société humaine et fidèles à leurs engagements dans leur vie de tous les jours malgré leurs limites et leur faiblesse. Cependant, à y voir de près, aussi surprenant que cela puisse paraître, beaucoup de vérités, mêmes d’ordre théologique, se cachent derrière les propos de ce non-chrétien.
« Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les nations païennes » (1 Co 1, 23).
L’élément fondateur de la foi chrétienne (la Résurrection) n’est-il pas parti d’abord et avant tout d’un drame et d’un scandale ? : la passion et la mort de l’Homme-Dieu, accusé non par des païens, mais par les chefs religieux, trahi par l’un des siens, abandonné par ses disciples, pourtant témoins de ses miracles et de sa bonté. Le temps de Carême et les festivités de Pâques sont d’ailleurs la commémoration de ces évènements. Oui, un véritable scandale qui, pourtant, devint le point de départ du plus grand phénomène religieux qui dure déjà depuis deux millénaires.
Même si la foi chrétienne n’est ni incompatible, ni contradictoire avec un exercice de la raison conforme à ses principes (Thomas d’Aquin), notons tout de même que la logique de Dieu n’est pas toujours la logique humaine car « ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Co 1, 25). Il faut donc la lumière du Saint-Esprit pour accepter l’inacceptable de la foi et comprendre ce qui est au-delà du raisonnable.
Oui, tout commence par un drame, un scandale, mais le Christ nous met en garde : « Malheureux le monde à cause des scandales ! Il est inévitable qu’arrivent les scandales ; cependant, malheureux celui par qui le scandale arrive ! » (Mt 18, 7). Jésus connaît mieux que nous nos faiblesses et nos limites, il nous invite à la prudence. Les chrétiens doivent scandaliser le monde, non pas en mal mais en bien. Que le monde soit scandalisé par notre pacifisme, notre vie vertueuse, notre sens de fraternité et de solidarité, notre ouverture et notre sensibilité aux autres, par notre authenticité et notre fidélité à nos engagements et à la parole de Dieu ! Que nos privations et nos prières en ce temps de Carême nous y aident ! Amen.
« Église combien tu es contestable, et pourtant combien je t’aime ! Combien tu m’as fait souffrir, et pourtant combien je te suis redevable ! (…) Combien de fois tu m’as scandalisé, et pourtant tu m’as fait comprendre la sainteté. » (Carlo CARRETO)