DRAC a d’abord signifié Droits du religieux ancien combattant avant de se transformer en Défense et renouveau de l’action civique. Derrière ce sigle, l’histoire passionnante du combat des congrégations religieuses, qui luttèrent pour se maintenir en France.
La genèse de cette association remonte aux lois anticléricales du début du XXe siècle, qui déclarent la vie religieuse communautaire hors la loi. L’immense majorité des congrégations est alors supprimée et leurs membres contraints à l’exil. Ils sont environ 30000, hommes et femmes, à partir, soit dans les pays limitrophes, soit sur des terres plus lointaines.
Au début du mois d’août 1914, les lois anti-congrégationnistes sont suspendues par une circulaire du ministre de l’Intérieur Malvy. Au même moment, le président de la République appelle tous les Français, quelle que soit leur opinion politique ou religieuse, à l’Union sacrée pour défendre le pays. Les religieux aptes au service, oubliant les persécutions dont ils ont fait l’objet, rentrent en France pour répondre à l’appel de la mobilisation. Ils servent comme aumôniers, brancardiers, infirmiers, mais aussi comme combattants. À ces 9323 moines, il convient de rajouter plus de 16 000 religieuses qui rentrent spontanément pour offrir aux hôpitaux français leur compétence d’infirmières ou d’aides-soignantes. Bien qu’elles ne soient pas mobilisables, elles ont cependant à cœur de servir leur patrie.
Politique anticléricale
À la fin de la guerre, les relations Église-État sont grandement pacifiées et le décret Malvy, toujours en vigueur, permet aux religieuses et aux moines démobilisés de rester en France. Cependant, en 1924, la politique anticléricale reprend avec l’arrivée au pouvoir du cartel des gauches. Édouard Herriot, nouveau président du Conseil, annonce dans une déclaration officielle vouloir, entre autres mesures, supprimer le décret de 1914 afin d’obliger les congrégations religieuses à repartir.
Ce message provoque une très vive opposition de la part de la société civile. C’est dans ce contexte que le général de Castelnau, fondateur de La France Catholique, créera la Fédération nationale catholique. Il apparaît en effet particulièrement choquant de vouloir expulser des hommes et des femmes qui sont revenus servir leur pays avec dévouement pendant les quatre années de guerre.
Dom Moreau, âme de la résistance
Les congrégations religieuses décident de se battre et d’unir leurs forces. Elles fondent ainsi une association pour défendre leurs intérêts, c’est la naissance de DRAC. L’âme de cette résistance est Dom Moreau, moine bénédictin, ancien aumônier militaire, grièvement gazé pendant la guerre. Rapidement, les bases d’une organisation efficace sont jetées afin de répondre à l’ampleur du combat qui attend l’association.
L’action de DRAC est multiple : publication de tribunes dans les journaux nationaux pour faire connaître au grand public le sort réservé aux religieux ; mise en place d’un réseau efficace de juristes qui apportent conseils et soutien aux congrégations lors des contentieux avec l’administration.
« Pour l’honneur de la France, nous ne partirons pas ! »
Au mois de décembre 1924, paraît le premier numéro du bulletin de DRAC qui publie une lettre ouverte du Père Doncœur à Édouard Herriot. Restée fameuse, cette lettre débute par une phrase choc : « Pour l’honneur de la France, nous ne partirons pas !» Comme le souligne Alain Toulza dans son livre, cette lettre a un impact politique considérable car le Père Doncœur vient d’être décoré de la Légion d’honneur à titre militaire.
Pendant plusieurs mois, à partir d’octobre 1924, sont organisées dans toute la France de très nombreuses manifestations de soutien en faveur des congrégations religieuses. Chaque dimanche, successivement dans toutes les villes de France, l’évêque du lieu, des sénateurs, députés, et hommes politiques locaux se réunissent pour organiser ces manifestations qui appellent à la paix religieuse.
Occuper l’espace médiatique
Les fondateurs de DRAC comprennent très vite que la presse est le moyen idéal pour toucher l’opinion publique et influencer les autorités. Ainsi, l’association envoie chaque semaine un communiqué à 340 organes de presse afin d’occuper sans cesse l’espace médiatique. Elle assure par ailleurs la gestion de films et pièces de théâtre dans le but de faire connaître l’action des religieux pendant la guerre mais aussi en temps de paix.
La mobilisation constante des catholiques et la détermination inexpugnable de DRAC et de ses partenaires portent des fruits : une forme de statu quo de fait se met en place et les congrégations restent finalement en France.
Le comité directeur de l’association développe l’idée de consacrer une branche de ses activités à la formation spirituelle, morale et civique de la jeunesse afin d’assurer la continuité du combat. Dans cette optique est créé en 1926 un concours annuel d’éloquence pour les lycéens. Ce concours existe encore aujourd’hui. Les candidats sont présentés et préparés par leurs établissements. La coupe d’éloquence comporte deux épreuves : déclamation d’un discours préparé à l’avance sur un thème imposé, et improvisation sur un sujet donné. Depuis 1954, la coupe est doublée d’un concours écrit destiné aux classes de 4e et de 3e. Pour l’année 2025, le sujet de la coupe se rapporte au silence, à sa place dans la société et son impact dans la formation humaine. Pour fêter son centenaire et faire connaître son action, la DRAC organise le 16 novembre à Notre-Dame-de-Sion, à Paris, un colloque qui présentera son histoire et ses engagements passés et présents.
Thérèse Puppinck
Historienne de formation, Thérése Puppinck collabore régulièrement avec le site d'information quotidienne Aleteia.
Article publié dans France Catholique N° 3676 du 1er novembre 2024