Trois questions au père Jeannin, un homme de communication.
Le père Philippe Jeannin, ancien animateur et producteur de l’émission « Le jour du Seigneur » a présidé le pardon du 15 août à Rostrenen.
Il a accepté de répondre à nos questions.
1) Pouvez-vous résumer votre parcours ? Comment est née votre vocation ?
Issu de famille catholique mais pas particulièrement pratiquante, ma grand-mère a joué un rôle important dans ma vocation.
Entré au petit séminaire diocésain à Pelousey (Doubs) alors tenu par les Montfortains, j’ai mûri une vocation d’abord de prêtre diocésain, jusqu’au grand séminaire interdiocésain de Dijon, avant d’entrer en vie professionnelle après avoir connu les émois amoureux de jeunesse qui me laissaient penser qu’être prêtre n’était finalement plus pour moi.
Resté en contact avec mon père spirituel, l’appel de Dieu a finalement été le plus fort : vivre pour Dieu et le servir me manquaient terriblement. Après avoir hésité pour le monastère cistercien voisin, j’ai découvert ma vocation dominicaine au fil de rencontres chez les Dominicaines de Béthanie à Montferrand le Château (dont le fondateur, le P. Lataste, a été béatifié en 2012) et ressenti l’appel décisif le vendredi saint 1978 chez les Dominicains de Strasbourg où je suis entré au noviciat en septembre de la même année.
Après cinq années de formation initiale à Strasbourg, puis deux années complémentaires à Paris, j’ai été envoyé au Caire pour y étudier les liturgies orientales, après un passage par Rome pour l’apprentissage de l’arabe (85-87).
De retour en France en mai 1989, j’ai contribué pendant quatre ans à mettre sur pied le service des affaires culturelles du diocèse de Lyon en même temps que j’étais aumônier des classes préparatoires au lycée du Parc.
Élu prieur du couvent de Lille (mandat de 3 ans), j’ai rejoint le Nord en 1993. Revenu à Paris en 1996, je suis parti à Rennes comme prieur en 1999 où j’ai découvert la Bretagne et accompli mon Tro Breiz, avant de revenir à Paris en mai 2005 comme prieur du couvent de l’Annonciation.
Parallèlement, j’ai œuvré pour le pèlerinage du Rosaire à Lourdes pendant 25 ans : d’abord comme animateur des célébrations, de 1980 à 1992, puis comme directeur général, deux fois, de 92 à 2001, puis de 2005 à 2009.
Le 29 juin 2009, nommé producteur des émissions du Jour du Seigneur par la Conférence des Évêques de France, j’ai dirigé, produit et présenté les émissions de la plus ancienne émission de la télévision française, jusqu’à fin octobre 2012.
Passionné du désert, j’ai accompagné une dizaine de voyages dans le Sinaï depuis l’an 2003 et, depuis qu’il est devenu inaccessible aux touristes, je continue à accompagner spirituellement des groupes pour l’agence Ictus voyages.
Aujourd’hui, j’ai gardé le goût de l’audiovisuel, outil incontournable de communication de notre époque, et souhaite continuer à m’y investir. À côté de portraits que j’ai en préparation, je viens de terminer un film sur saint Dominique, une commande de l’AEDom (Association Éducative Dominicaine).
2) Justement, pouvez-vous nous parler de l’ordre des Dominicains (mal connu je crois de nos lecteurs) ?
Les Dominicains, autrement connus sous le nom d’Ordre des Prêcheurs – OP pour l’abréviation de Ordinis Prædicatorum – vont fêter l’an prochain le 800ème anniversaire de leur fondation (https://centenairedominicains.fr).
Contemporain de saint François d’Assise au même moment en Italie, saint Dominique était, lui, un chanoine espagnol, né en 1170 à Caleruega (Castille), troublé de découvrir l’hérésie cathare à Toulouse alors qu’il se rendait en mission diplomatique vers la Scandinavie. Au retour de mission, il va consacrer le reste de sa vie à annoncer l’évangile de Jésus-Christ dans toute son authenticité et non plus perverti par l’interprétation cathare.
Les premières femmes cathares converties vont former le premier monastère de Moniales dominicaines à Prouihe, dans l’Aude (comme celles de Beaufort en Bretagne (http://www.monastere-beaufort.com), près de Plerguer/Saint-Malo et les premiers compagnons de Dominique vont former, à Toulouse, la première communauté de frères.
Dispersés dès le 15 août 1217, les premiers frères vont avoir un rayonnement instantané dans les villes universitaires : Paris, Bologne, Oxford… et quelques-uns vont s’imposer par leur savoir : saint Thomas d’Aquin par l’intelligence de sa somme théologique, toujours référence ; ou Ssaint Albert le Grand, espèce d’encyclopédie vivante. Ce même Albert le Grand que l’on chante dans le cantique « Mamm santel da Zoue, Itron Varia Rostren… » pour relater le constat des miracles du roncier.
Aujourd’hui, les Dominicains, chargés depuis la victoire de Lépante (1571) de la dévotion du Rosaire, animent le pèlerinage du Rosaire mais aussi toute forme de prédication, populaire ou savante, par tous les moyens, y compris par la télévision – puisque c’est un Dominicain normand, le P. Pichard, qui a eu l’idée de l’émission dès Noël 1948 – , ou sur Internet avec la « Retraite dans la ville » (http://www.retraitedanslaville.org) et ses déclinaisons : Psaumes dans la ville ou Les enfants connectés à la Parole de Dieu (http://www.theobule.org).
Si vous voulez en savoir plus sur les Dominicains, je vous renvoie, bien évidemment, au site de l’Ordre (http://www.op.org/fr) ou de la Province de France (http://www.dominicains.fr).
3) Quelles sont vos impressions sur le pardon de Notre-Dame de Rostrenen que vous avez présidé ?
Tout d’abord, j’ai été très touché d’être invité à prêcher pour ce pardon. C’est à la suite d’un contact avec M. et Mme Baniel, sur le Tro Breiz, l’an dernier, qu’il m’a été demandé si j’accepterais de venir prêcher le pardon. L’invitation a été complétée par l’abbé Jean-Marc, lors du pèlerinage du Rosaire à Lourdes en octobre 2014 et un courrier officiel de Mgr Moutel la confirmait en début d’année.
J’ai eu doublement de la joie à venir : je connaissais un peu la région car mon seul cousin, franc-comtois comme moi, réside à Plouguernével depuis 28 ans et, après mes années rennaises, nous n’avions plus beaucoup d’occasions de nous voir. J’ai d’ailleurs poursuivi mon séjour, après le 15 août, avec sa famille.
Lors de la procession du 14 août, le tantad m’a impressionné : surtout celui qui me tendait le briquet pour y mettre le feu. Je sentais chez lui toute la ferveur à faire un beau feu, malgré le vent et malgré le temps du matin qui a failli tout compromettre.
La présence de jeunes, à la messe du soir et du 15 août, m’a ravi. Il n’y avait pas que des cheveux gris.
Le 15 au matin, la bénédiction du groupe de cyclistes m’a paru touchante : ces cyclistes qui ne viendront pas à la messe du 15 août, n’en demandent pas moins à se placer sous la bénédiction du Seigneur et de Notre-Dame de Rostrenen, pour vaquer à leur loisir. Sous les casques et derrière les lunettes de semi ou professionnels de toutes générations, il y avait là une passion partagée, une rencontre, quelque chose de sympathique.
Je suis reparti, le soir, heureux de l’accueil rencontré, tant au presbytère de la part de l’abbé Jean-Marc, que de la part des paroissiens engagés dans ce pardon et pour qui Notre-Dame de Rostrenen est un soutien, une aide, une mère, celle qui intercède pour nous, toujours, maintenant et à toute heure, même à l’heure de notre mort.
Alors merci à tous pour votre accueil et merci à Notre-Dame du Roncier de réunir, chaque année, ses enfants pour vivre ce temps de grâce et de partage.
Propos recueillis par Joël Le Biavant