Le mot carême, qui signifie quarante jours, nous fait penser à efforts, sacrifices, privations.
Et pourtant, aujourd’hui, nombreux sont ceux et celles qui éprouvent le besoin d’un régime minceur, d’une thalassothérapie, tout ce qui va dans le sens du bien-être de son corps et, par surcroît, de son esprit. Nous avons besoin de nous laisser éprouver dans notre corps pour libérer des énergies, pour retrouver fraîcheur et dynamisme.
Et, si le carême était la fête du bonheur ?
En effet, ces 40 jours que nous vivons dans la préparation à la fête de Pâques sont à inscrire comme un moment de joie et de bonheur.
Il s’agit, durant ce temps, de se centrer sur le cœur de l’existence, sur ce qui fait l’essentiel de notre vie. C’est aussi l’occasion d’un apprentissage pour relativiser, prendre de la distance et de la hauteur vis-à-vis des événements et du quotidien, de vivre un certain abandon et lâcher-prise, de mesurer la cohérence de nos paroles et de nos actes.
Il s’agit de se centrer sur le cœur de la foi chrétienne en se laissant bousculer par la force de la Parole, en se mettant à l’écoute du message de Jésus qui est « Bonne Nouvelle pour aujourd’hui » (Lc 4) ; en se laissant entraîner sur le chemin de la foi, de l’espérance et de la charité, dans le souci de permettre à ceux et celles qui vivent des situations difficiles de les aider à relever la tête, de leur permettre de trouver une oreille attentive, de faire nous-mêmes notre examen de vérité pour être capables de discerner l’essentiel du superflu afin d’entrer dans une dynamique de partage, de solidarité et de justice.
D’ailleurs le prophète Isaïe nous redit en quoi consiste le sacrifice pour le Dieu de l’Alliance :
« Est-ce là le jeûne qui me plaît, un jour où l’homme se rabaisse ? S’agit-il de courber la tête comme un roseau, de coucher sur le sac et la cendre ? Appelles-tu cela un jeûne, un jour agréable au Seigneur ? Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. » (Is 58, 5-8)
Dans son message de Carême, le pape François nous invite « à regarder la misère de nos frères, à la toucher, à la prendre sur nous et à œuvrer concrètement pour la soulager. La misère ne coïncide pas avec la pauvreté ; la misère est la pauvreté sans confiance, sans solidarité, sans espérance. » Aussi, conscient que cette posture de décentrement suppose un effort personnel pour entrer dans cette dynamique, il invite à ce que toute « l’Eglise soit disposée et prête à témoigner du message évangélique à tous ceux qui sont dans la misère matérielle, morale et spirituelle ; message qui se résume dans l’annonce de l’amour du Père miséricordieux, prêt à embrasser toute personne, dans le Christ. Nous ne pourrons le faire que dans la mesure où nous serons conformés au Christ, Lui qui s’est fait pauvre et qui nous a enrichi par sa pauvreté. Le Carême est un temps propice pour se dépouiller ; et il serait bon de nous demander de quoi nous pouvons nous priver. N’oublions pas que la vraie pauvreté fait mal : un dépouillement sans cette dimension pénitentielle ne vaudrait pas grand-chose. Je me méfie de l’aumône qui ne coûte rien et qui ne fait pas mal. »
Ainsi, chemin faisant, durant ce carême, laissons-nous emporter par le vent de l’Esprit qui est chemin de bonheur et de partage. Ce chemin c’est toi qui le construis, le dessine, le traces avec l’appui du Tout-Autre, avec l’appui des autres, avec tes qualités et tes potentialités, avec un cœur dépouillé et ouvert.