Ruth, une intégration réussie
Dans la généalogie de Jésus selon saint Mathieu (ch.1) figurent cinq femmes dont Marie bien sûr mais aussi Rahab qui était considérée comme une prostituée et dont nous avons déjà parlé, et Ruth, une étrangère fidèle.
Le livre de Ruth n’occupe que quelques pages dans la Bible et se lit facilement.
On peut le situer à l’époque des juges, après l’installation du peuple d’Israël dans le pays promis et avant l’épisode de la royauté. Cette histoire, véritable oasis de paix, est un bel exemple de migration et d’intégration, ce qui la rend très moderne.
La trame de l’histoire est simple : un habitant de Bethléem, Elimelek, part, avec sa femme Noémi et ses deux fils, s’installer dans le pays de Moab, à l’est de la mer Morte. Là-bas les deux fils épousent des filles du pays, contrairement à la loi de Moïse qui interdisait d’épouser des non-juives.
Les fils meurent tous deux sans descendance. Devenue veuve et âgée, Noémi décide de rentrer en Israël.
Dans un admirable mouvement de fidélité, Ruth, l’une de ses belles-filles, va la suivre dans le pays de Canaan : « Là où tu iras, j’irai. Ton peuple sera mon peuple, ton Dieu sera mon Dieu. »
Les deux femmes vivent pauvrement sur la terre d’un lointain parent, Booz. Il prend tout d’abord Ruth sous sa protection lui permettant de glaner dans ses champs.
Il va au-delà de l’obligation de prendre soin des plus vulnérables, il manifeste une attention bienveillante envers la jeune fille. Motivée par l’attitude de Booz, Noémi conseille à Ruth de le séduire.
De nuit, belle et parfumée, Ruth se rend à l’aire de Booz et se couche à ses pieds. Cette scène a inspiré à Victor Hugo un célèbre poème : Booz endormi. Le poète, nous faisant oublier les épreuves de Ruth, nous communique la douceur et l’harmonie de la rencontre :
Booz ne savait point qu’une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d’elle. (…)
Ruth songeait et Booz dormait, l’herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C’était l’heure tranquille où les lions vont boire.
Conformément au droit de l’époque, Booz fait les démarches pour épouser Ruth. « Alors Booz prit Ruth pour femme et elle fut à lui. Le Seigneur la bénit, elle devint enceinte et donna naissance à un fils appelé Obed, ce qui signifie qui sert Dieu. »
La généalogie inscrit Obed, fils d’une étrangère, dans une lignée royale qui va jusqu’à David.
Cette histoire nous montre que l’on peut surmonter les antagonismes entre les peuples et qu’il existe une espérance pour les exilés. Booz accueille Ruth telle qu’elle est et lui donne les moyens de s’intégrer.
Nous pouvons faire le rapprochement avec l’encyclique du pape François « Fratelli tutti », plus particulièrement aux numéros 97 et 98, intitulés « Sociétés ouvertes qui intègrent tout le monde » dont voici des extraits.
N° 97. Certaines périphéries sont proches de nous, au centre d’une ville ou dans notre propre famille. Il y a aussi un aspect de l’ouverture universelle de l’amour qui n’est pas géographique mais existentiel. C’est la capacité quotidienne d’élargir mon cercle, de rejoindre ceux que je ne considère pas spontanément comme faisant partie de mon centre d’intérêts, même s’ils sont proches de moi. Par ailleurs, chaque sœur ou frère souffrant, abandonné ou ignoré par ma société, est un étranger existentiel, même s’il est natif du pays. Il peut s’agir d’un citoyen possédant tous les papiers, mais on le traite comme un étranger dans son propre pays. Le racisme est un virus qui mute facilement et qui, au lieu de disparaître, se dissimule, étant toujours à l’affût.
N° 98. Je voudrais faire mémoire de ces ‘‘exilés cachés’’ qui sont traités comme des corps étrangers dans la société. (…)
