« Le Ciel est l’aboutissement d’une vie fidèle au Christ, ou d’une conversion »,
rappelle Mgr Bernard Ginoux, évêque émérite de Montauban.
Quel lien faites-vous entre le Carême et le Salut ?
Mgr Bernard Ginoux : C’est un dépouillement – de nos passions, nos égoïsmes, nos besoins excessifs… – une petite mort à soi-même, pour se préparer à revivre la mort et la résurrection du Christ. Autrefois, le Carême était le temps de préparation des catéchumènes, leur dernière étape dans la lutte contre le péché, le mal, afin de pouvoir recevoir le baptême, la veille de Pâques. Pour ceux qui sont baptisés, le Carême sert à renouveler les promesses de ce sacrement, pour accueillir le ressuscité dans un cœur renouvelé. C’est bien le moment de mourir à nos péchés, à nos mauvaises tendances, de réorienter notre vie et d’éliminer ce qui bride notre liberté de croyants – si je suis conditionné par mon apéritif du soir, dont je ne peux pas me passer ou par mon manque de courage à me lever tôt le matin pour aller à la messe, par exemple.
« Prêcher l’annonce du bonheur éternel »
C’est le moment de laisser purifier mon ego par la miséricorde du Seigneur. Si nous mourons avec le Christ, nous ressusciterons avec lui. Le Carême est donc le moment favorable pour notre conversion.
On voit parfois davantage d’enjeu dans la réussite de notre vie sur terre qu’au Ciel. Qu’est-ce qu’une vie réussie ?
La vie de Dieu est en nous depuis notre baptême et va s’accomplir dans la vie éternelle. Donc, notre existence sera réussie uniquement si elle est sauvée lors du jugement privé – au moment de notre mort – et lors du retour du Christ en gloire – le jugement dernier. Le Ciel, c’est vraiment cela : l’accomplissement de notre vie. Il faut redonner aux gens cet objectif de la vie, leur annoncer la bonne nouvelle du Ciel, non pas avec la croyance fausse qu’il est pour tout le monde, mais en disant qu’il est l’aboutissement d’une vie fidèle au Christ – ou d’une conversion. Sinon, on passera à côté de notre vie.
« Jésus n’est pas gentil : il est vrai et juste! »
Nous manquons de cohérence entre notre vie et notre foi. Être chrétien c’est « vivre en sauvé ». L’objectif central de notre vie, c’est d’être sauvé. C’est l’unique raison pour laquelle Jésus est venu sur la terre. Le problème, c’est que nous ne nous croyons plus pécheurs, nous pensons que nous irons tous au paradis : il n’y a plus d’enjeu du salut dans la vie des chrétiens, bien souvent… Nous faisons de Dieu un dieu des « bisounours », un gentil dieu. Mais Jésus n’est pas gentil : il est vrai et juste !
Pourquoi tant de chrétiens ont-ils si peur de la mort ?
Pour beaucoup de gens, ce qui se passe – ou pas – après la mort est une incertitude complète, et cela leur fait peur. Peu nombreux sont ceux qui conçoivent vraiment qu’ils peuvent rencontrer Dieu, être heureux après la mort – y compris parmi les chrétiens. C’est pourquoi il me semble prioritaire que l’Église n’oublie pas de prêcher l’annonce du bonheur éternel : même si la mort est un déchirement, si le passage est sans doute douloureux, comme lors d’un accouchement, après il y aura la joie. Dans ce moment de la vie, j’ai assisté à des révoltes, mais aussi à des conversions extraordinaires.
« Rencontrer Dieu, être heureux après la mort »
Par ailleurs, il est aussi très important de dire aux gens que leurs souffrances physiques et morales, unies à celles du Christ dans sa Passion, peuvent avoir du sens : elles peuvent servir à leur salut et à celui des autres, s’ils les offrent à Dieu. En effet, en participant aux souffrances du Sauveur, nous participons avec lui au salut du monde. C’est ce qu’a fait Simon de Cyrène, qui a porté la croix avec le Christ.
Comment se préparer à la vie éternelle ?
Sauf conversions exceptionnelles in extremis (comme le bon larron) – notre mort sera un continuum de notre vie. Nous suivons une route qui nous amène – ou non – vers Dieu : à nous de choisir. Que faisons-nous pour être sauvés ? Prions-nous ? Donnons-nous du temps à Dieu ? Exerçons-nous une charité effective ? L’Évangile est clair : « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21).
« Pour gagner le marathon de notre vie »
Nous sommes capables de fournir des efforts importants pour le sport ou pour le travail, par exemple. Sommes-nous capables de le faire aussi pour manifester notre fidélité au Christ, pour gagner le marathon de notre vie ?
L’enfer, est-ce encore une perspective d’actualité pour les chrétiens ?
Rappelons que l’Église ne « met » personne en enfer, elle ne se prononce pas pour savoir qui y est, ou qui n’y est pas, contrairement au paradis… Mais elle rappelle que Dieu nous laisse la possibilité d’y aller : c’est tout l’enjeu de notre liberté.
En effet, si l’on croit que Dieu nous accueillera tous au paradis d’office, à la fin des temps, même si nous avons refusé l’amour, refusé de croire en lui, cela signifierait que nous ne serions pas réellement libres, que nous serions des objets manipulés par lui. Au contraire, l’homme est libre, donc libre aussi de se damner… Il y a une cohérence en Dieu. Il faut réaffirmer le message de l’Évangile et conduire la personne à la vérité toute entière.
Propos recueillis par Émilie Pourbaix
Aleteia 17/02/2023
Mgr Bernard Ginoux
Mgr Bernard Ginoux, évêque émérite de Montauban