Yann Talbot qui a durablement marqué la vie rostrenoise nous a quittés dans sa 78ème année après avoir lutté courageusement contre la maladie.
Ses obsèques ont été célébrées en l’église Saint Jean-du-Baly à Lannion, là même où il avait été baptisé : église comble, présence de nombreux prêtres et diacres entourant Mgr Moutel, assemblée priante, reprenant en chœur des cantiques bretons connus, accompagnés d’orgue et de bombarde, ont fait de cette cérémonie un grand moment de communion fraternelle.
Né en 1940 à Lannion, Yann poursuit ses études à Rennes, obtenant une licence d’histoire-géo.
En 1968 il entre au séminaire à la Catho d’Angers, étudiant la philosophie et la théologie.
En 1971, il arrive à Rostrenen pour faire un stage pastoral avant son ordination et occuper un poste d’enseignant à temps partiel en sciences éco, puis en breton, à Campostal. Il y restera d’ailleurs près de 30 ans comme professeur.
Ses directeurs s’en souviennent : « Yann était proche de ses élèves, avec une capacité hors normes et s’intéressant à tout », retient Christian Gautier. « C’était un érudit, prêt à s’investir aussi bien dans les camps de vacances que dans les cours de breton dans les associations locales, toujours bénévolement », note Rémy Le Vot.
En 2000, il avait organisé les cérémonies du centenaire du couronnement de Notre-Dame de Rostrenen, Itron Varia ar Bod, sur le thème « héritiers et bâtisseurs ». Dans le livret sorti pour l’occasion, il avait commenté l’invitation de la Bible « à changer les fondements injustes des sociétés où nous vivons ».
Ecoutons Yann évoquer lui-même son parcours, en 2001, lors de son départ de Rostrenen. « C’est à la collégiale de Rostrenen que j’ai été ordonné prêtre, en 1974, par Mgr Kervéadou. C’est donc ici, à Rostrenen, que se sera déroulée la plus grande partie de ma vie sacerdotale. C’est ici que j’ai vu le monde changer du tout au tout. A chacun j’ai essayé de faire partager l’espérance chrétienne qui est en moi. J’ai essayé de faire passer ma conviction que la langue et la culture bretonne sont importantes pour l’évangélisation et la vitalité de la foi. La population de ce secteur m’a toujours fait bon accueil. Que chacun soit remercié pour tout ce que j’ai reçu d’amitié et de soutien ! »
Au moment de prendre sa retraite d’enseignant, Mgr Fruchaud le nomme curé de Tréguier. « Alors que je n’ai jamais quitté la Cornouaille, cela me coûte beaucoup », confie-t-il, puis ajoute : « Nous ne sommes pas propriétaires de notre charge. Nous allons là où il y a des besoins pastoraux. Les prêtres passent mais la communauté chrétienne reste. »
Yann va quitter sa charge de curé en 2006 et se retirer au presbytère de Brélevenez. Il continuera jusqu’au bout à se rendre disponible sur la paroisse de Lannion, célébrant aussi de nombreuses messes en breton dans le diocèse.
S’il reste en effet un bretonnant hors-pair, il est aussi ouvert aux autres cultures, parlant couramment le gallois et l’allemand. Il a écrit dans des revues bretonnes, publiant des poèmes et des nouvelles et traduisant des œuvres de Borges, Faulkner et Kafka. Ses conférences ou ses émissions sur R.C.F., consacrées aux saints bretons, étaient passionnantes.
Après le récent décès de l’abbé Marcel Derrien et, en 2015, celui de l’abbé Job Lec’hvien, la Bretagne perd encore l’un de ses trop rares prêtres brittophones.
Le 1er avril dernier, jour de Pâques, il avait prononcé sa dernière homélie dont voici un extrait : « N’eus ket ac’hanomp ket tud o hiraezhiñ d’an dazont, na pegen skedus e ve ; tud gwrac’h gant ar bremañ ne lavaran ket, gant ar bremañ ma teraouas pep tra, adalek ar beure ma teuas ar C’hrist e-maez e vez, ha dre-se o vannañ an denelezh en un oadvezh nevez. » (Nous ne sommes pas gens dans une attente impatiente de l’avenir, aussi brillant soit-il ; plutôt gens follement épris du présent, le présent qui commença toute chose, depuis le moment où le Christ sortit de son tombeau, et par là lança l’humanité dans une ère nouvelle).
Laissons le mot de la fin à Yann dont le message, lors de son Kenavo en 2001, garde une certaine actualité. Reconnaissant le recul de la religion il se veut tourné vers l’avenir. « Ce sont des paroisses où souffle un fort vent d’avenir, une espérance, des gens qui se prennent en charge pour lutter contre la désertification, des laïcs chrétiens qui relèvent le défi de la déchristianisation et qui retroussent les manches pour préparer l’Eglise de demain et la continuité de la foi. »
Joël Le Biavant