Tugdual Derville, le fondateur de l’association À bras ouverts, a rencontré Jean Vanier en 1987. Ému à l’annonce de la disparition de celui qu’il considérait comme « le grand-père » d’ABO, il revient pour Aleteia sur cette amitié au long cours et témoignage d’une vie tournée vers les plus petits.
Alors qu’il ne le connaissait que de nom, notamment grâce à la revue Ombres et Lumière, le jeune Tugdual Derville rencontre pour la première fois Jean Vanier en 1987, un peu par hasard, sur une aire d’autoroute qui s’appelait l’Arche ! Les deux hommes se sont ensuite régulièrement revus pour partager prières et conversations. Quelles étaient vos relations avec Jean Vanier ?Nous avions une relation d’amitié. Je le voyais régulièrement, pour parler mais aussi prier. Je lui racontais les avancées ou les doutes sur l’évolution d’À bras ouverts, puis sur mes engagements actuels, et il écoutait toujours avec beaucoup d’attention et de bienveillance. Je garderai le souvenir de ces conversations mais aussi de nos prières, mains dans les mains, avec mon épouse et lui. Nous sommes nombreux à avoir une histoire personnelle avec lui.
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Qu’est-ce qui vous a le plus marqué chez Jean Vanier ?
Sa manière concrète de vivre la spiritualité du pauvre et l’Évangile « ne méprisez aucun de ces petits ». Dans son action bien sûr mais avant tout dans son regard, il savait se mettre à la taille de tous. Physiquement, il était très grand, des bras immenses et entourant, or il savait toujours se mettre à la hauteur des petits. Sa simplicité aussi, quand nous allions déjeuner avec lui, nous faisions ensuite la vaisselle ensemble, dans un esprit de joie, il avait beaucoup d’humour. Quels sont ses enseignements qui vous ont touché le plus?
C’est un homme qui, toute sa vie, aura été sur la ligne de crête entre la vérité et la charité. Il avait par ailleurs une conscience aiguë de la souffrance des hommes. C’était aussi un rebelle, notamment sur la place du pauvre dans l’Église. Il aura connu et vécu la solitude du prophète avec une humilité évidente, d’où son rayonnement, car il parlait à tous, le riche comme le pauvre.
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Mais c’était aussi un homme moderne. Il a su inventer des modes nouveaux et des accompagnements spécifiques pour les personnes handicapées. Il était de son temps et profitait des avancées humaines et sociales pour mieux les accueillir. C’est l’amour qui lui permettait de déployer son inventivité.
Un homme de grande prière également ?Oui ! Il avait une façon inimitable de prononcer le nom de Jésus. Il le disait avec une telle densité, qu’à chaque fois, je pensais à cette phrase « au nom de Jésus, tout genou fléchisse ». Par la prière, il a fait un gros travail sur lui pour adoucir son cœur. Chaque état de sa vie a été vécu dans la joie, avec beaucoup d’humour même dans l’impuissance de sa vieillesse. Il était paisible avec le Seigneur, en conversation. Je crois qu’il est mort ainsi, en ressemblant à ceux à qui il avait donné sa vie. Quel magnifique témoignage !