Lorette : la sainte maison
Le rayonnement de ce sanctuaire italien est si grand que le calendrier liturgique catholique romain propose une mémoire liturgique pour célébrer la « Translation de la Sainte Maison de Lorette », le 10 décembre.
Le mot « translation » signifie « transport » : l’actuel sanctuaire, construit au XV° et XVI° siècle, abrite une maison, « la sainte Maison », dont les pierres sont une relique de la maison de la Vierge Marie de Nazareth.
Sixte V (pape de 1585 à 1590), fit graver en lettres d’or sur façade de la Basilique à peine achevée : « Maison de la Mère de Dieu où le Verbe s’est fait chair ».
Il est tout à fait saisissant d’entrer en ce lieu, de se prosterner là, et de penser qu’entre ses pierres, quand la Vierge prononça son Oui, le Verbe s’est fait chair dans son sein virginal, et qu’il a vécu parmi nous.
Le fameux récit de 1472, la Translatio miraculosa
On entend encore parler aujourd’hui de l’ouvrage Translatio miraculosa (Translation miraculeuse), composé vers 1472 par Pietro Giorgio di Tolomei, dit « le Teramano », qui fut recteur du sanctuaire de Lorette de 1450 à 1473. On y raconte comment, lorsque les habitants de Nazareth accueillirent la religion musulmane, la « chambre de la maison de Marie » fut transportée par les anges d’abord à Tersatto, près de Fiume (Rijeka) en Croatie, puis sur le territoire de Recanati en trois sites différents : dans la forêt d’une certaine Loreta, sur la colline de deux frères qui se disputèrent pour le partage des offrandes recueillies, et enfin au milieu d’une voie publique.
Certains mystiques ont repris cette idée, ce qui ajoute à la confusion car les lecteurs ne savent pas toujours discerner dans leurs « révélations » ce qui vient des connaissances de leur temps et ce qui vient du lumière divine.
En tout cas, au fil du temps, cet ouvrage a généré de nombreuses polémiques, jusqu’à ce que la recherche moderne situe les choses plus sérieusement, et plus sereinement.
Les fouilles archéologiques sous la Sainte Maison entre 1962 et 1968
– La maison est sans fondations : elle repose directement sur la voie publique.– On a retrouvé des monnaies de 1452 dans le sous-sol de la Sainte Maison, dont certaines très importantes. Elles nous ramènent à l’année 1294, retenue par la tradition comme date du commencement de la présence à Lorette de la Sainte Maison.
– Certains graffitis tracés sur les pierres de la Sainte Maison ont causé une grande surprise. Ils représentent des croix de forme inhabituelle (croix avec « waw », « cosmiques », monogrammes, à double taille, à deux ou trois cornes…) qu’Emmanuele Testa et Bellarmino Bagatti, experts franciscains de Terre sainte, ont déclaré d’origine palestinienne et judéo-chrétienne. De telles croix sont identiques à celles trouvées à Nazareth et remontant au IIIe siècle. Ce sont des symboles christologiques qui proclament la puissance de la croix de Jésus. Ces pierres couvertes de graffitis évoquent la patrie de Marie et rendent plausible leur transport de la Palestine à Lorette.
– La position et l’orientation de la maison de Lorette, très surprenante par rapport aux usages locaux, devient lumineuse lorsqu’elle est rapprochée de la position avec la grotte de Nazareth qui en constituait le prolongement.
Le témoignage de l’art
Contrairement à ce que l’on pensait, les premiers témoignages iconographiques concernant le déplacement de la maison de Marie depuis Nazareth jusqu’à Lorette ne représentent pas un vol aérien par des « anges », mais un transport maritime. Ainsi en est-il de deux bas-reliefs de la fin du XV° siècle les anges portent la Sainte Maison non pas dans les airs, mais immergée dans les flots.
Les documents administratifs
– Les notes de frais d’un transport par bateau au compte de la famille « Angeli »,
– La mention des « saintes pierres extraites de la maison de notre Dame la vierge mère de Dieu » dans un acte notarié concernant un mariage dans entre la famille « De Angelis » et celle de Philippe d’Anjou,
– La présence d’une pièce de monnaie de la famille d’Anjou, murée dans les murs de la maison.
Il s’agit donc d’un transport de reliques par une famille chrétienne
Le transport aurait ainsi été organisé par une famille noble, De Angeli, dans le but de préserver ces précieuses pierres contre les attaques des turcs. Les résultats permettent aussi de comprendre comment on est passé du transport par la famille « Angelis » (ange), à la légende d’un transport par les anges
Il ne faut pas s’étonner de ce transport des reliques de Terre sainte jusqu’en Italie. Il suffit de penser aux reliques de la Croix et à la Scala Santa qui furent acheminées à Rome par sainte Hélène, la mère de Constantin.
Saint Jean Paul II au sanctuaire de Lorette (1994)
- « Une relique », une précieuse “icône concrète”.
A l’occasion du VIIe centenaire du sanctuaire de Lorette (1994), Jean Paul II, tout en «laissant […] pleine liberté à la recherche historique pour enquêter sur l’origine du sanctuaire et sur la tradition de Lorette», a évoqué la signification de la Sainte Maison quand il a affirmé : celle-ci «n’est pas seulement une relique, mais aussi une précieuse “icône concrète”». Le pape retient implicitement comme une donnée historique minima que la Sainte Maison contient quelque élément de la chambre de Marie à Nazareth ; autrement elle ne pourrait pas être considérée comme une « relique » (ce qui reste d’une personne ou d’une chose sacrée, ou un objet venu en contact avec elles). Sans un « quelque chose » de relationnel avec la maison de Marie, sans allonger les « racines… dans l’Orient chrétien » (n° 9).
- Le mystère de l’Incarnation
Or, insiste le pape, le mystère de l’Incarnation s’est accompli en trois moments qui « renferment chacun à son tour les grands messages que le sanctuaire de Lorette est appelé à tenir vivants dans l’Eglise ».
Ce sont :
– 1. La salutation de l’ange, c’est-à-dire l’Annonciation ;
– 2. La réponse de foi, le « fiat » de Marie ;
– 3. Le sublime événement du Verbe qui se fait chair. Nous pourrions les résumer dans les trois paroles : « grâce, foi et salut… » (no 3).
- Un lieu pour la famille
Le souvenir de la vie cachée de Nazareth « réveille le sens de la sainteté de la famille, exposant d’un seul coup tout un monde de valeurs, aujourd’hui tellement menacées, comme la fidélité, le respect de la vie, l’éducation des enfants, la prière, que les familles chrétiennes peuvent redécouvrir à l’intérieur des murs de la Sainte Maison, première et exemplaire “église domestique” de l’histoire » (no 8).
- Un sanctuaire qui porte de bons fruits
Jean Paul II établit aussi un sage principe qui s’applique à Lorette : « L’importance du sanctuaire lui-même ne se mesure pas selon la base d’où il a tiré ses origines, mais aussi sur la base de ce qu’il a produit », selon le critère évangélique qui juge l’arbre à ses fruits (no 2). Le même pontife reconnaît que le sanctuaire de la Sainte Maison « a eu une part très active dans la vie du peuple chrétien pendant quasiment tout le cours du second millénaire » (no 9).
Benoît XVI, le 4 octobre 2012, à Lorette :
Synthèse par F. Breynaert« La foi nous fait habiter, demeurer, mais nous fait aussi marcher sur le chemin de la vie. À ce propos aussi, la Sainte Maison de Lorette nous donne un enseignement important. Comme nous le savons, elle était située sur une route. La chose pourrait apparaître plutôt étrange : de notre point de vue en effet, la maison et la route semblent s’exclure. […]
Ainsi, nous trouvons ici à Lorette, une maison qui nous fait demeurer, habiter et qui en même temps nous fait cheminer, nous rappelle que nous sommes tous pèlerins, que nous devons toujours être en chemin vers une autre maison, vers la maison définitive, celle de la Cité éternelle, la demeure de Dieu avec l’humanité rachetée. (cf. Ap 21, 3). »
Extrait de Benoît XVI, Homélie du 4 octobre 2012, à Lorette.
Marie de Nazareth
Dans la chapelle Saint Sébastien à St-Segal, un retable du XVIème siècle raconte l’histoire de la Translation de la maison de Nazareth en onze panneaux sculptés et peints.