Au cœur des landes de Lanvaux, près du maquis de Saint-Marcel (56), le plus important de bretagne, apparaît un panneau mobilisateur « Malestroit, petite cité de caractère ».
En mars dernier, mon attention a été attirée par un reportage en dernière page d’Ouest-France intitulé « Sous le charme de mère Yvonne-Aimée de Malestroit », présentant un ouvrage de Jean de Saint-Cheron, sobrement intitulé « Malestroit ». Il ne s’agissait en aucun cas d’un ouvrage sur cette petite ville mais d’un récit mettant en lumière la vie héroïque de la supérieure des Augustines, « une résistante mystique » que le général de Gaulle décora en 1945.
L’auteur faisait remarquer : « Je suis étonné qu’une figure aussi importante de la guerre soit tombée dans les oubliettes de l’histoire. » Le jeune auteur de 38 ans avait déjà publié « Éloge d’une guerrière », consacré à la vie de sainte Thérèse de Lisieux, en 2023, qui lui a valu un prix littéraire.
Fascinante Yvonne Beauvais, née en 1901, en Mayenne, et décédée en 1951 ! Bouleversée par le sort des pauvres, dès l’âge de 15 ans, elle se démène pour aider les misérables dans les bidonvilles d’Île de France.
En 1922, suite à la typhoïde, elle est envoyée en convalescence chez les Augustines hospitalières de Malestroit où elle vit sa première expérience mystique, entendant la voix de Jésus. L’évêque de Vannes est sceptique et la soumet à une enquête rigoureuse pour trouver l’origine des plaies du Crucifié qu’elle présente sur les mains et les pieds : les stigmates.
Cependant, au bout de cinq ans, en 1927, elle est autorisée à faire son noviciat. La communauté de Malestroit devenant vieillissante, les sœurs n’hésitent pas à lui confier les clés de la congrégation qu’elle va réformer. En 1929, elle lance le projet d’une clinique moderne. Sous son impulsion, le monastère devient « l’un des plus dynamiques de l’ouest », selon l’auteur.
Lorsque la guerre éclate, Yvonne-Aimée de Jésus, son nom de religieuse, apporte une aide active à la Résistance, portant des messages, fabriquant des faux papiers, cachant des combattants (170 ont été recensés).
Jean de Saint-Cheron raconte cette scène cocasse, digne de « La grande vadrouille » quand elle déguise deux parachutistes, en religieuses, pour qu’ils échappent à la Gestapo. Ils sont installés dans la tribune de la chapelle, allongés sur des transats, passant pour des sœurs malades. L’officier veut entrer, mais mère Yvonne lui signifie avec autorité que les hommes sont interdits au couvent et que personne ne franchira la porte.
Torturée par les nazis, elle prétendait avoir échappé au châtiment grâce à son don de bilocation (présence dans deux endroits en même temps).
Yvonne dira n’avoir rien fait de plus, pendant la guerre, que son devoir de chrétienne.
Mère Yvonne-Aimée allait visiter les monastères des Augustines et, à ce titre, elle est venue à la communauté de Gouarec.
Qui était-elle vraiment ? Une véritable sainte, rejetée par peur du scandale ?
Un procès en béatification a été ouvert en 1957, mais est clos par le Vatican en 1960 par ces trois mots : « Trop de miracles ». En 2009, Mgr Centène, évêque de Vannes, demande la levée du verrou et une enquête diocésaine, achevée en 2016, a été réalisée, le dossier est actuellement en cours d’examen à Rome.
L’auteur fait remarquer « Il n’y a pas, d’un côté une Yvonne mystique et, de l’autre, une femme pragmatique qui aidait les autres. Ce qui me fascine, c’est la cohérence entre ce qu’elle croit et ce qu’elle vit. »
(Réf : Ouest-France, 1er et 2 mars 2025
et « Malestroit » Jean de Saint-Cheron,
février 2025 – Éditions Grasset)
