Pendant plus de deux siècles, le petit séminaire de Plouguernével va permettre la multiplication des vocations dans cette région rurale de Haute Cornouaille.
1669, le recteur de la paroisse de Plouguernével, l’abbé Maurice Picot, conscient du paganisme superstitieux qui domine dans une région dont la population est aux trois quarts illettrée, décide d’y ouvrir un séminaire. Il va utiliser sa modeste fortune pour le faire construire sur sa paroisse.
Le chanoine Augustin-Marie Chatton, vicaire général honoraire, originaire de Glomel, publie en 1899, un ouvrage admirable, mais négligeant malheureusement les aspects historiques ou politiques, Souvenirs d’un ancien élève du petit séminaire de Plouguernével, dressant un constat bien sévère de la situation au 17ème siècle et où il retrace une histoire dont il fut témoin également dès 1835.
« La paroisse de Plouguernével occupait un vaste territoire mais les âmes y étaient aussi incultes que la terre. L’ignorance y avait engendré la corruption des mœurs et l’on aurait pu appliquer à ses habitants la note sévère que le père Maunoir infligeait à certaines paroisses de la Cornouaille, desquelles il disait : ̏ Pecudum more vivebant˝ (ils vivaient comme des animaux), on eût dit un désert où campaient quelques sauvages ! »
L’abbé André Piriou (1920-1988) dans le premier chapitre de son livre L’étoile et le chêne, consacré aux 75 ans du collège de Campostal, intitulé « Requiem pour un séminaire » récapitule, de manière concrète, l’histoire de ce séminaire (1).
Plouguernével, comme l’ensemble de la Cornouaille, faisait partie du diocèse de Quimper, en attendant 1790 qui fera coïncider diocèse et département et rattachera donc cette région au département des Côtes-du-Nord.
Le séminaire de l’abbé Picot, le premier petit séminaire de Bretagne, va devenir une pépinière de choix pour les futures vocations sacerdotales et le père Maunoir n’hésita pas à lui décerner le titre de « magerez sent » (nourrice des saints). Les évêques de Saint-Brieuc témoigneront un vif intérêt à la maison, conscients de son rôle important et encouragent le travail qui s’y accomplit. La Révolution de 1789 faillit le faire disparaître mais, laissé à l’abandon, il fut racheté en 1821 par le diocèse de Saint-Brieuc puis ouvert à nouveau sous Louis XVIII.
Malgré des difficultés pour trouver des prêtres suffisamment formés pour enseigner, le recrutement va s’améliorer au fil des ans. « En plus des candidats au sacerdoce, note l’abbé Piriou, le séminaire accueille des laïcs qui deviendront par la suite des cadres de la région. »
En 1865, au lieu de restaurer des parties délabrées, Monsieur Le Graet, le supérieur, prend son bâton de pèlerin, quête à travers la région et sollicite l’évêque. Le séminaire est reconstruit. « Le nouveau séminaire a fière allure, avec un bâtiment central comprenant deux ailes, un des plus beaux de Bretagne », poursuit l’abbé Piriou.
Au début du vingtième siècle, on y dénombrait 400 élèves, avec une zone de recrutement très étendue et des prix de pension au plus bas. Les matières enseignées sont peu nombreuses, les matières scientifiques et les langues vivantes sont plutôt sacrifiées au profit du latin, du grec, de la langue française et de l’expression orale. La musique et le théâtre y trouvent également une place de choix. Inspirée de la pédagogie des Jésuites, la journée du pensionnaire commence de bonne heure par la messe, l’accent est mis sur la formation à la piété : prière du matin et du soir, salut du Saint Sacrement, vêpres du dimanche et complies. »
Sous la troisième République, l’Eglise devient souvent l’ennemi à vaincre. « Le cléricalisme voilà l’ennemi ! », clame Gambetta, en 1877. En 1899, Combes veut substituer à la vieille religion une nouvelle philosophie : le laïcisme, ce qui entraîne la fermeture de nombreuses écoles congréganistes. Suite à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en 1905, et l’inventaire officiel, en décembre 1906, le supérieur du séminaire, Monsieur Ollivier, ainsi que les professeurs sont violemment expulsés. Le séminaire est fermé. Les bâtiments et les fermes appartenant aux séminaires deviennent propriété de l’Etat.
Mais les amis du séminaire ne baissent pas les bras et grâce à eux, le 10 octobre 1910, Campostal connaît sa première rentrée à Rostrenen. « Campostal recueillit dans son ombre pieuse l’âme qui s’échappait de Plouguernével mort. » note l’abbé Collet, auteur d’une chanson sur l’Institution Notre-Dame de Campostal.
En 1934, c’est la reconversion : l’hôpital psychiatrique va s’installer dans les bâtiments de l’ancien séminaire. Une autre histoire commence.
Joël Le Biavant
(1) Le collège de Campostal a pris la suite du petit séminaire de Plouguernével en tant qu’établissement scolaire et l’abbé Piriou y a exercé comme professeur.