Le père Maunoir a contribué sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV à réévangéliser la Bretagne. Au 17ème siècle, la situation en Bretagne n’est guère brillante. L’Église s’inquiète de l’âme de ses ouailles que la pauvreté pourrait pousser à la rébellion !
Par ailleurs si les paysans bretons ont l’âme religieuse, ils ignorent les fondements de la foi chrétienne. Les Jésuites bien présents en Cornouaille puisque enseignant à Quimper depuis 1620, développent les missions.
Successeur d’un précurseur léonard, Michel Le Nobletz, le père Maunoir est affecté par ses supérieurs aux missions bretonnes et développera une nouvelle forme d’évangélisation. Il apprend la langue bretonne (en une nuit, celle de la Pentecôte, selon la légende). En fait Julien Maunoir écrit qu’il put catéchiser, soit enseigner avec un manuel de catéchisme écrit en breton, le mardi suivant et prêcher six semaines plus tard. Il rédige aussi un dictionnaire français-breton, préconise l’utilisation de la langue bretonne, s’appuyant sur le culte des saints locaux, surtout Saint Corentin pour qui il voue une véritable vénération.
Mais il est, comme beaucoup d’hommes d’Eglise de son temps (le curé d’Ars par exemple), tout à fait hostile aux danses bretonnes qu’il voit comme le prélude au péché de chair. Par ailleurs, les Bretons craignant la mort, il en fait le cœur de sa stratégie et il a tendance à enfermer les croyants les plus fragiles dans une religion basée sur la crainte et la soumission.
Homme pratique, s’adaptant au terrain, il garde l’âme paysanne, labourant la terre des âmes, aidé en cela par des dons de prédicateur exceptionnel.
Nous vous livrons ci-dessous quelques extraits d’un texte écrit par Fañch Morvannou à l’intention du diocèse, en 2004.
« Pour combattre le paganisme, des missions furent entreprises : il s’agissait d’envoyer des prédicateurs dans des paroisses pour prêcher une sorte de retraite à domicile pour les paroissiens. On a donné ce titre de « mission » pour bien marquer qu’il s’agit de l’intervention d’un clergé venant de l’extérieur, muni d’un ordre de mission de l’évêque. Les exercices spirituels comprenaient une prédication très fournie, des examens de conscience, des confessions, des cantiques et une procession de clôture. Ce qui marque la spécificité bretonne des missions, c’est d’abord la langue : elles sont surtout prêchées en breton. Le Père Maunoir utilisa au départ les « Taolennou » que le père Le Nobletz avait développés : ce sont des cartes ou tableaux représentant des thèmes illustrant son enseignement. Il pouvait ainsi marquer visuellement ses fidèles qui ne savaient pas lire.
Organisateur hors-pair des missions en Bretagne, il était très attentif au déroulement de ces missions qui relevaient un peu du théâtre. Vrai pédagogue, il met en scène l’Evangile, déguisant parfois le curé du village en Christ, récompensant les villageois les plus méritants en leur donnant les meilleurs rôles. Il se servait du cantique comme moyen d’instruction religieuse, en raison de l’illettrisme d’une grande partie des fidèles. On choisissait un air à la mode et l’on y adaptait des paroles religieuses.
Cet homme qui demeure méconnu du grand public aujourd’hui fait partie des grands personnages qui ont marqué notre région. »
La Bretagne doit au père Julien Maunoir d’avoir été trois siècles durant une terre catholique d’une extraordinaire ferveur.